FIRST ! Alors là sans trop me mouiller je pense pouvoir me vanter d’être le premier à pondre une critique écrite de cet album. Et pour cause, l’objet en est plutôt inhabituel. Tout commence plutôt subitement un jour ordinaire de début 2016, au détour d’une discussion avec mon camarade Bat, celui avec qui je parle beaucoup mais jamais assez. Alors comme d’habitude ça parle musique, influences, projets, putes, coke, bref la routine ; et puis l’air de rien l’animal me pose ça sous le nez. « Ouais, rien de spécial, y a plus de saisons, au fait j’ai sorti un album ». Gonflé le type.


À la manière de l’illustre Matt Bigland, influence commune, celui qui était jadis mon fidèle side-kick répondant au patronyme astucieusement furtif de Bat se la joue modeste et crée une entité impersonnelle, sortant ses productions derrière un nom collectif plutôt que le sien. Bigland avait engendré Dinosaur Pile-Up tout seul, voici Mirror Stories. Le groupe, qui n’en est pas encore tout à fait un, déboule à la SACEM avec une galette de 11 titres annoncée comme faite « pour les amateurs de DPU, QOTSA, Foo Fighters ». Eh bien à nous deux.


L’opening track You Wanted to Wait sonne en effet un brin Dave Grohl, notre père à tous en quelque sorte. Le titre est efficace, progresse logiquement et on se surprend à chantonner les paroles sur le dernier refrain. Right on. Le jeu de réponses entre les voix tape dans le mille, surtout au casque avec l’alternance droite/gauche. L’occasion aussi de se voir confirmer sans grande surprise que l’écriture se fait en anglais, pari logique mais risqué pour un non-natif avec une voix assez en avant dans le mix. L’accent est assez prononcé sur les H aspirés et la sémantique parfois un tantinet maladroite mais même le gros relou que je suis n’a pas été gêné outre mesure. Essai transformé donc ; mais concentrons-nous sur la musique plutôt que sur le chapitre 12 du Mot et l’idée.


Dès la deuxième chanson l’impression initiale se confirme : il y a un gros travail sur les chœurs, qui apportent une vraie profondeur aux morceaux. Ce sera le cas tout au long du disque, et probablement son principal point fort. By Surprise est superbe de douceur et me rappelle agréablement Frusciante version Curtains. Pas sûr cependant qu’elle égale dans ce domaine la singulière Rust et son violoncelle évoquant forcément Arcade Fire. Je me suis revu cinq ans en arrière à écouter Funeral dans mon petit studio de prépa… On dirait que les heures à bûcher les quatuors ont payé, et l’inspiration comme l’exécution sont à saluer.


Rust frôle le sans faute jusqu’à cette fin abrupte qui laisse un petit goût d’inachevé. C’est là le péché mignon de l’album, et sans doute mon principal reproche à son encontre : j’ai été à quelques reprises gêné par certains choix rythmiques, avec une alternance temps forts/temps faibles parfois peu judicieuse à mon sens. D’autres titres comme Drive, All Night et surtout Too Late en subissent les soubresauts, la dernière nommée étant malheureusement le véritable potentiel non exploité du CD. Les chœurs sont une nouvelle fois au top, et la fin entraînante, mais le rythme gauche dessert l’ensemble à mon sens. Dommage.


Mais pas d’inquiétude Bat, cette réserve n’est heureusement que détail à l’échelle globale d’un disque qui arrive à véhiculer une vraie atmosphère, jonglant assez adroitement entre punch et mélancolie. Un trait qui n’est pas sans rappeler Eels ou dEUS, que je te sais apprécier, mais également de façon surprenante Farin Urlaub, dont j’ai retrouvé les mécanismes sur toute la deuxième moitié de l’album. Que ce soit dans le refrain très inspiré de Before Dawn, dans la très juste Drive et son intro à la Rodriguez Lopez/Frusciante ou dans les chœurs une nouvelle fois remarquables d’All Night, j’ai bien plus ressenti la patte alterno de ces groupes que l’empreinte de ceux que tu cites en références. Je n’ai pas spécialement entendu Josh Homme, ni DPU, à part éventuellement sur des clins d’œil dans le texte. Ben quoi, « Pouring down with rain » (Into Our Sea), tu crois que je t’ai pas vu ?


Pour un galop d’essai, ce premier Mirror Stories est remarquable. L’album est complet, homogène, avec ses défauts mais aussi énormément de bonnes idées. Avec By Your Eyes, il tient même son smash hit pop-rock à chanter sous la douche. De la guitare lead aux inévitables backings, en passant par un refrain incisif aux allures de gimmick, rien n’est à jeter dans ce titre qui reste en tête et s’impose comme le meilleur des 11. La clé réside dans un chant enfin poussé à son maximum, chose malgré tout trop rare sur le CD, et que l’on retrouve avec plaisir sur Alive, qui le clôt avec de belles promesses pour la suite. Bat, c’est via un médium un peu original que je t’adresse toutes mes sincères félicitations pour le travail accompli, et mes encouragements avides pour l’avenir. Si t’as besoin d’une deuxième guitare au détour d’un concert, tu sais où faire signe. D’ici là j’attends de pied ferme le deuxième volet, pour pouvoir te demander à travers ce miroir empli d’histoires : How long were you gone ? How come you were so long ?

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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Aux portes du top 10 : mes albums laissés pour compte et Les meilleurs albums de 2016

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le 5 févr. 2016

Critique lue 453 fois

Jambond

Écrit par

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