Hors-sujet, pas d’album jaune pétant, et de parties génitales à découvert dans ces lignes. Ou peu. Des bouts de vinyles, des hurlements dans le naufrage, ne restent que peu de choses. Les maux, peut-être. Un peu d’urgence dans l’écriture, d’improvisation dans la pensée, de singularité dans le récit, de désordre dans le Tout, et d’émeute dans la voie. Un texte aussi Punk que pouvait l’être Rimbaud, à résonance personnelle, ou du moins qui en porte l’essence.


La mention t’élève. « Très Bien », la formule t’agresse, et te propulse dans un factice espoir. La formalité en poche, tu te dis que tout ira bien. Une année. Deux années. Tes études t’indiffèrent. Tu essayes de t’échapper, mais la société te bâillonne. Tu t’enfuis alors dans le peu de rêves qui te restent : un film, deuxième séance, tu enchaînes les œuvres, et t’éloigne des cours. Tu tentes des procédures, tu écris pour devenir quelqu’un. Tout échoue, et chaque plongeon te rappelle que tu n’es personne. L’Anarchy pas vraiment in the UK guette. Les questions deviennent des doutes. Les partiels arrivent. La course a commencé. Tu t’en fous. Les chevaux sont dans les starting-blocks. Tes bollocks prennent l’air.


Ma colère s’examine. Le doigt posé sur l'encornure de la copie, la foule estudiantine tripote son avenir. Le gong me réveille, et les machines à étudier dégainent. Un Duel à 500 copies. Sujet retourné, prise de risque à assumer. Suivre ses envies, et ne pas répondre à ce point d’interrogation. N’y a-t-il rien de plus paradoxal qu’une question ? Ce mécanisme à réflexion, ce serpent cherchant à gober son point sans jamais y arriver. Statique. Impossible dicte sa forme, la solution est couru d’avance : aucune réponse avant même de poser la question. Alors, autant éclater l’illusion et faire du sujet, une feuille blanche d’interrogations sans réponse. Et tant pis si j’échoue, car je ne suis pas un homme à cravates.


Qui n’a jamais rêvé de braver l’interdit de l’examen ? Une révolution silencieuse, une non-réponse plus utile qu’un forfait chez le psy. Les germes de ma contre-culture sans doute. Et puis, Dictature de l'écriture, qui peut me dicter ce que je dois créer en son nom ? Ma plume n'est pas au service d'une œuvre de commande. Une question me taraude pourtant l'esprit. Pourquoi répondre à la question quand on peut la façonner soi même ? Recracher son cours, le mettre en forme dans l'artifice des mots, sans réflexion, et se vider l'esprit de la consistance d'un avis. L'exercice nous apprend seulement à nous détourner de nos vies, à embrasser un conformisme que chacun réalisera avec plus ou moins d'exactitude. Il n'y a pas de bonnes réponses, que des avis subjectifs, des opinions, des étapes de vie et des chemins à parcourir. Je peux désormais l’affirmer : les barricades seront dans ma copie.


Entassant les mots, et dans l’apaisement d’une plume, mon écrit est un barrage dans l’ombre d’une formule : empêcher le Droit de passer, et crier « You Shall Not Pass ». Juste des convictions en anneaux qui s’élèvent tel un Gavroche prenant armes, au côté d’une Liberté guidant son peuple. Alors, j’ai écris. Beaucoup de choses, beaucoup de « j’emmerde ». Je t'emmerde moi, tu avais toutes les cartes en main et tu t'es démerdé pour tout foutre en l'air. Le voici mon moment, mes Holidays in the Sun. A tous ces bien-pensants et conformistes qui m’ont un jour dit que le cinéma n’était pas un métier d’avenir, j’ai eu envie de leur répliquer en mode Dobermann : oui, « Tu voulais que devienne un avocat. C’est déjà à moitié réussi, je suis un enculé ». Porter la robe, moi jamais.


« Les gens qui parlent en métaphores peuvent shampouiner mon entrejambe. » Je suis de ces gens là, n’en déplaise à Nicholson. De ces gens qui préfèrent l’illusion à sa réalité. L’espace d’un instant, dans cette copie froide et de carreaux, j’avais l’opportunité de refaire le monde, ou du moins d’en refaire le mien. Etre ce cinéaste de l’écrit, et réaliser ma première performance : celle d’une prise de risque vis-à-vis de soi-même et de son avenir. Réaliser dans son inconscient le film de sa vie, de sa jeunesse, de son désespoir et de sa destinée sacrifiée. La vie à l’envers, à gain de passion, un cœur bat. Yeah, God Save the Queen, indéniablement.


J'ai voulu transformer cette dissertation en road movie (ou road copie), en une œuvre se détachant de son concept de base pour suivre l'autoroute des envies, et les grands espaces de l'imagination. D'un vulgaire exercice de dégueulis juridique, j'en avais fais de l'art, une œuvre contemporaine de réappropriation des concepts, de renoncement à la règle, à la norme, pour m'abandonner à la liberté de création, de passion. J'ai renoncé à mon statut d'étudiant en Droit pour crier mon amour pour le cinéma. Et puis tant pis si un hors sujet tamponne ma copie. Puisqu'au fond de moi, je le sais, je devais faire mon cinéma, et rejeter tous les autres sujets. Un peu comme un anarchiste, beuglant ses problèmes à coup de crêtes et de punk. Marginal, pour qu'au moins une fois, je puisse trouver ma voie dans ce monde qui ne me ressemble pas. No Future.


J'ai rendu ma copie. Les conjectures s’assemblaient dans ma tête. Et dans cet instant de tension de main, ma sentence fut irrévocable. Imaginer le faciès du prof, ouvrant ma copie pour n'y trouver aucun élément juridique, et s'écriant : « Encore un de ces gauchistes révolutionnaires... ». Peu importe, tant qu'on a l'ivresse des mots et des belles Images. Cet instant semblable à un ralenti de lâcher de micro, de « Thug Life » esquissant un sourire de satisfaction, en sachant pertinemment que tout pointerait vers la fessée. Nous avons tous en nous un peu de ces « Pistolets sexuels », un peu du caractère je-m’en-foutiste de Sid Vicious, et de cette rage acharnée qui ne demande qu’à sortir en forme d’un bon lâcher de « On s'en bat les couilles ». Ce nouveau départ par la case Mise en Examen. J’ai misé, j’ai perdu. L’échec est ma réussite. Le monde est à moi. The World is Yours.


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blacktide
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le 6 juil. 2018

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