La musique n’a, heureusement, pas attendu la naissance d’Internet pour se disséminer largement à travers la planète, par le miracle du bouche-à-oreille, et grâce à des milliers de « passeurs » enthousiastes, qu’ils soient professionnels – comme les disquaires d’antan – ou bénévoles. Tout le monde connaît l’histoire de la fameuse rencontre entre Mick Jagger et Keith Richard dans une gare, par la magie de disques de Blues qu’ils trimballaient avec eux… Le Blues, justement, est la plus états-unienne des musiques, mais elle s’est répandue dès la fin des années 50 sur la planète tout entière, marquant des milliers de musiciens n’ayant pourtant aucun vécu personnel de l’oppression dont ont été victimes les esclaves importés d’Afrique : ils ressentiront pourtant la force spirituelle de cette musique à nulle autre pareille, et en feront leur mode d’expression privilégié. En 2021, alors que des couches et des couches de nouvelles musiques populaires sont venues se sédimenter par-dessus, le Blues reste exceptionnellement vivace à peu près partout…


… Alors aujourd’hui, nous vous proposons d’aller faire un petit tour en Italie, pays très Rock contrairement à ce que nous, Français prétentieux, pensons souvent : c’est en Lombardie que nous rencontrerons Enrique Sauda et Beppe Facchetti, qui, sous le nom gouleyant de Superdownhome, jouent depuis 2016 du Blues Rock de la plus belle espèce (on va dire, au risque de choquer certaines puristes, du Blues Rock dont les Black Keys n’auraient pas à rougir !). Car le défi que relèvent haut la main notre improbable duo italien, c’est de puiser à la source la plus pure qui soit, un Blues des origines, rural, brut et râpeux, et de le mélanger avec tout un tas de courants modernes : plusieurs de leurs chansons se rapprochent du pur Rock’n’Roll, d’autres sonnent vaguement Country ("Bad Nature") ; il poussera même des ailes « heavy rock » à certains morceaux (comme la reprise du "Stop Breaking Down Blues" de Robert Johnson, avec la participation de Popa Chubby, ou l’explosif "Homework"), voire un peu « punks » à d’autres (comme l’irrésistible "Blooze Bloodhound"). Si l’on ajoute que l’un des titres les plus roboratifs sur cette compilation – bienvenue – des albums et EPs de Superdownhome parus à date, n’est ni plus ni moins qu’une version « back to basics » du dantesque "Kick Out the Jams" du MC5, tout le monde comprendra qu’on n’a pas affaire ici à des gardiens du temple, ou, pire encore, des gardiens de musée !


Beppe et Enrique ont choisi d’utiliser des instruments traditionnels du genre, comme le Cigar Box ou le Didley Bows, et leur « respect » des racines leur permet de nous offrir des chansons « primitives » comme 24 Days – peut-être notre préférée sur l’album – sans oublier pour autant de les rendre entraînantes avec un hook « pop », mais aussi de reprendre de manière crédible un classique pur et dur comme le "I’m Your Hoochie Coochie Man" de Muddy Waters. Même si le respect des grands maîtres du Blues irrigue la musique de Superdownhome, il ne va pas jusqu’à fossiliser la production du groupe : Sauda n’a pas la voix « classique » d’un bluesman – et cette voix peut d’ailleurs surprendre au début, mais on d’y habituera vite. Et, comme on l’a vu, Sauda et Facchetti laissent volontiers leur inspiration les porter là où elle l’entend, empruntant pour notre plus grand plaisir des chemins de traverse vraiment réjouissants…Sans jamais pour autant perdre cette magie du Blues qui perdure, quels que soit le continent, le pays ou la société où nous vivons.


[Critique écrite en 2021]

EricDebarnot
7
Écrit par

Créée

le 3 juin 2021

Critique lue 45 fois

2 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 45 fois

2

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

105

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

187 j'aime

25