La clarinette est mon deuxième instrument à vent préféré (les cordes sont beaucoup plus difficiles à classer). J'ai donc presque immédiatement aimé son utilisation. Le couple piano-violon est plus difficile à appréhender. C'est souvent le piano qui vient foutre le bordel en plein milieu d'un morceau mais quand les deux sont ensembles sur les morceaux catholiques, il y a une terrible tristesse qui se dégage de tout ça. Déjà le violon sonne comme un roumain affamé dans le métro et le piano en fait des pataquès pour ajouter de la pesanteur à la chose. Ça s'éternise un peu. Mais c'est surtout le violon qui m'agace. Tous les autres instruments sont plus ou moins utilisés à contre-pied de ce que l'on a l'habitude d'entendre alors que ce putain de violon balance de la tristesse factice par baril comme une Lara Fabian des grands jours. Le pire c'est que ça bouffe tout comme une vulgaire distorsion de My Bloody Valentine.

J'ai pas aimé le piège débile de mettre le morceau le plus dissonant en tout début de disque. Parce qu'en de hors de quelques saillies bienvenues, le disque est plus qu'écoutable (je sais que c'est pas un « disque »). Ça sonne prétentieux comme si Olivier disait « dégager de ma composition bande d'ignares » aux malheureux qui se seraient égarés à écouter de la musique classique contemporaine. Mais je chipote forcément.

Savoir si j'ai aimé le disque ou pas n'est pas vraiment à l'ordre du jour. Je ne crois pas l'avoir aimé en son entier. Mais j'ai adoré la clarinette, aimé le piano, attendu plus de violoncelle et détesté le violon. C'est un sentiment étrange de ne pas aimer un disque en son entier pas à cause d'un petit bout mais par partition entière liée à un seul instrument. Cela vient sûrement du fait que le « quatour » pas très banal ne joue presque jamais ensemble. A part un peu sur la « vocalise » et sur le pénultième « fouillis » où bizarrement le crin-crin du violon passe mieux quand il est englouti dans le flux de ses camarades.

Ceci dit c'est peut-être ce connard de Yordanoff qui en fait des tonnes. Je deviens vulgaire mais c'est parce que je suis impliqué par le truc tu vois. Après je comprends qu'une œuvre écrite dans un Stalag ne rayonne pas de bonheur. Je sais pas si ça vaut pas un point de sympathie d'ailleurs. Après c'est un peu facile d'excuser des lacunes à cause d'une circonstance exceptionnelle.

Je disais que savoir si j'avais aimé n'était pas vraiment un problème. Bien sûr que j'ai aimé. Mais c'est évidemment pas comparable à London Calling. L'expérience était plus qu'intéressante parce qu'elle a réussi à me procurer de la joie et de l'agacement. De l'attention aussi pas mal. Même si c'est définitivement donné de la confiture aux cochons. Je ne serai jamais totalement amateur de ce genre de truc.

J'avais un peu peur que ça tourne au concert de Joe Satriani. Un truc tellement technique et savant que ça en devient imbitable pour le commun des mortels. Heureusement, on passe à côté de ça. C'est au contraire très dissonant, très répétitif comme un disque de drone ou de shoegaze. C'est étonnant d'ailleurs cette aversion des guitares électriques de la part d'Adobathyscaphe alors que la seule musique contemporaine populaire qui s'approche le plus de ce disque est sûrement à base de guitares électriques maltraitées avec soin.

Mais la clarinette putain. Bravo Desurmont. Et cette précision dans la composition (c'est décidé je mets mon aversion du violon sur le dos de Yordanoff, bien fait pour sa gueule). Et ces enchainements de fou entre les mouvements. Et ces sursauts, ces accalmies. C'est sûr que ça a plus de gueule que Music for 18 musicians (même si je l'aime beaucoup, hein).

Mais comment tu veux que je note ce truc ? Si je le note avec l'oreille, je lui mets 6 mais cette chieuse est juste chamboulée. Si je fais une moyenne des notes des morceaux, je lui mets surement 5 ou 6 mais c'est pas viable. Surtout que je sais même pas si je peux noter les morceaux séparément. Si je note avec le cœur, je lui mets sûrement 8 mais je reviendrai sûrement la baisser quand j'aurai entendu plus de trucs du genre. Si je note pour faire mon intéressant, je pourrais lui mettre 4 mais ça ferait petit con. Si je veux pas me mouiller je mets 7. C'est joli 7, c'est propre. Si je note avec la tête je lui mets sûrement 9. Je donne évidemment un point de plus pour cette histoire de camp de prisonniers à Görlitz. On n'est pas des bêtes. Si quelqu'un fait taire le violon, je lui mets 10. En tout cas, « je suis partagé » comme dirait Nathalie Imbruglia.
MrShuffle
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le 7 mars 2013

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MrShuffle

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