Rise
6.3
Rise

Album de A Skylit Drive (2013)

Le temps passe, les souvenirs restent

Tu avais 16 ans. Tu avais une mèche de cheveux colorée en bleu, violet ou rouge selon les périodes ; ou arc-en-ciel lorsque tu avais la flemme de les foutre sous l’eau oxygénée et de remettre du produit colorant derrière. Tu portais un sac Eastpak descendu jusqu’aux fesses ; ça t’a détruit les épaules depuis, tant pis. Tu traînais dans un groupe de metalleux où venaient parfois se greffer skateurs et hippies ; le banc devant le lycée était ton QG. Tu séchais les cours mais rarement en hiver, parce qu’il faisait froid, tout de même. Tu écoutais des groupes qui criaient pour expier tes peines : Drop Dead Gorgeous, From First to last, A Day to Remember. Bref, tout ce qui contenait plus de trois syllabes.


Depuis, tes goûts musicaux ont évolué au nom du temps qui passe et du concept qu’il faut vivre avec. Tu as pris 6 ans dans la gueule et tu t’es mis à la musique électronique, bannissant presque tous les groupes de métal qui ne collent plus à ton image à la fac de lettres. Parfois, des restes surviennent, quand ton voisin du dessus écoute Faudel et que tu lui répliques un album d’August Burns Red. Si les groupes que tu écoutais ont changé, tu n’en sais rien ; et « peu importe, c’est de la musique pour enfants » te dis-tu.


Enfin, c’était jusqu’à ce que tu tombes sur le nouvel album de A Skylit Drive que tu regardes d’un oeil amusé en te disant que leur univers visuel est resté le même. Récemment, dans tes cours, tu as appris que l’être humain a besoin de régresser. Donc au nom du souvenir, au nom de l’adolescence, tu presses le bouton play.


Et là, tu comprends que tous n’ont pas fait le même chemin que toi, et que peut-être, pour eux, cette musique n’a aucun lien avec l’enfance. Les sons sont plus lourds, comme pour donner un univers métal à ce qui, par le passé, était du screamo. Mais lorsque la voix apparait et que tu comprends les paroles, tu te dis que ton idée positive n’est pas si concrète.


A Skylit Drive sont là pour accompagner les gosses, comme un psy pour les désordres hormonaux ou un conseiller d’orientation qui n’en a pas le sens. Une grande traînée qui ne dure que quelques titres et où tu apprécies les quelques sons électroniques qui se placent entre Tetris et Angry Birds, du grand art. Au niveau du mixage, on met juste la voix en avant, les instrus soutiennent, et c’est tout. Les paroles du type « You’ve lost everything when you’ve lost me » te ramènent à des phrases que tu trouvais naïvement belles. Mais c’était avant La Dispute, Rimbaud et Kane. La voix vocodée suraiguë du chanteur le met en compétition directe avec Lady Gaga, Keen’V et Colonel Reyel, un peu comme sa capacité à ne transmettre aucune émotion. Rise n’apporte rien de nouveau à ta musicothèque, tu as même parfois l’impression d’entendre la B.O. d’un Disney gothique, ou d’un Twilight futuriste. (La dernière phrase de Stay dit : « stay with me« , et le ton de la ligne te fait penser à cette bande annonce). Même l’énergie est absente, tout comme la technique. De toute façon, les guitares font une bouillie tellement inaudible qu’il est difficile d’en discerner le nombre et les effets. La batterie est terriblement prévisible, un peu comme le chant, du coup. Malgré tout, tu t’amuses.


Tu t’amuses parce que tu te vois au skate park à écouter Suicide Season de Bring me the Horizon, tu te revois boire de la bière tiède, passer des heures à ne rien dire et à contempler le vide. Ca te fais sourire, ce retour dans le passé. Parce qu’il y a des gens qui paient plus cher qu’un disque pour se souvenir. Tu laisses l’album s’achever dans des rythmes identiques aux anciens, tiens, ce n’est pas si différent de Wires… and the concept of breathing que tu écoutais minot. Une preuve que le fait de grandir avec son temps ne s’applique pas à tous. En réfléchissant bien, tu te rappelles que tu trouvais déjà ça nul avant. Un peu comme la Tour Montparnasse Infernale. C’est nul mais ça te fera toujours rire. Et le rire, ça se perd.

Evalia
4
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le 17 sept. 2015

Critique lue 46 fois

Evalia

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