Singles
6.8
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Album de Future Islands (2014)

Un live sur le plateau de Letterman. "Please give a big welcome to Future Islands blablabla these guys are great and stuff." Le rideau se lève, tout le monde applaudit, quatre silhouettes s'avancent. Une se détache, visiblement celle du chanteur. Il se paye une sacré dégaine, avec son t-shirt moulant et sa gueule entre Steve Martin et Marlon Brando, en plus dégarni. Un synthé un peu kitsch s'élève, le show commence et là tout le monde ferme sa gueule. Le bonhomme ordinaire s'est transformé en monstre de scène, en une bête de charisme qui transcende son morceau de la première à la dernière seconde en nous regardant dans le blanc des yeux, comme s'il avait vécu toute sa vie pour ce moment précis. La chanson s'achève, un silence le temps que tout le monde redescende sur terre, et un tonnerre d'applaudissement. Personne ne se souvient des trois musiciens, mais l'espace de trois minutes le chanteur, lui, a incarné au choix un demi-dieu ou votre amant rêvé devenu réalité.

Ça, c'est le live. Mais sur disque le principe est le même. Certes, Singles n'a pas pour lui les images détonantes du concert, mais c'est tout comme. Les musiciens sont là, un claviériste, un batteur, un bassiste, mais tout le monde s'en fout. Parce que dès les premières mesures de "Seasons Change" en ouverture, on sait que celui qui fera le show et tout l'intérêt du disque, c'est le chanteur, Samuel T. Herring de son petit nom. L'homme a l'organe vocal d'un soulman black après une bonne cuite, qui essaierait par à-coups fulgurants de faire percer ses aigus malgré sa voix éraillée. On peut presque visualiser dans son chant passionné l'éclat bleu de ses yeux fous, qui semblent nous percer à jour tandis que sa voix s'occupe de nous remuer les tripes.

Sauf que ce blanc-bec soulman chante sur un album de synthpop. Tant pis pour les allergiques au style, tant mieux pour le reste du monde ! Car ce combo inhabituel fait indéniablement mouche chez les Future Islands, d'autant plus qu'il est accompagné par un très bon cru de mélodies, suffisamment simples pour laisser de l'espace aux interventions ingénieuses de Herring mais suffisamment entraînantes pour fournir un arrière-plan sonore satisfaisant. Belle réussite du groupe donc, avec un album qui porte très bien son nom et une recette dont on a hâte qu'elle continue à se renouveler sur des albums futurs, en espérant que Samuel Herring ne se fasse pas une extinction de voix définitive entre-temps.
TWazoo
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le 30 avr. 2014

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T. Wazoo

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