Lorsque Lucasfilm avait annoncé la sortie d’une nouvelle trilogie Star Wars tout en dénigrant continuellement la prélogie magistrale de George Lucas, il n’y avait, en réalité, qu’une seule bonne nouvelle. Le suspens ne saurait être tenu plus longtemps puisqu’il s’agissait du retour de John Williams sur la saga qu’il avait tant magnifiée auparavant. Après avoir largement convaincu sur la trilogie originelle et aussi sur les volets I, II et III – y compris auprès de ceux qui détestent ces derniers épisodes –, le défi lancé au compositeur était de taille. Malheureusement, les critiques à l’encontre de sa partition furent nombreuses et beaucoup regrettèrent l’époque des thèmes mémorables. Or, si l’on suit réellement John Williams depuis une dizaine d’années, la chaleureuse et subtile bande originale du Réveil de la Force sonne comme l’aboutissement musical d’un artiste aux multiples influences que j’ai souvent citées dans les précédentes critiques. Comprendre l’évolution symphonique de Star Wars revient à parcourir différentes époques de la carrière de John Williams. On en distingue schématiquement trois : la fougue du chef d’orchestre se retrouve nettement dans les partitions de la première trilogie tandis que le minimalisme tantôt rêveur tantôt inquiet s’observe généralement dans celles de la seconde. Le troisième mouvement du compositeur se reflète sur toutes les décennies mais atteint certainement son point culminant après les années 2010. En effet, depuis Cheval de Guerre sorti en 2011, John Williams renoue avec ses désirs musicaux d’antan. Il effectue donc un retour assumé aux élans romantiques en invoquant presque systématiquement divers solistes et plus précisément la flûte traversière. Au lieu de nous apporter des mélodies lourdes et puissantes comme autrefois, le compositeur se range du côté de la force tranquille et solitaire. D’autre part, ce tournant philharmonique se met en place alors que John Williams quitte les salles d’enregistrement du London Symphony Orchestra pour rencontrer celles des Sony Pictures Studios avec l’orchestre indépendant de Los Angeles. Par conséquent, Le Réveil de la Force est la première bande originale à ne pas avoir été enregistrée à Abbey Road. Ce sera là mon seul regret. Pour le reste, les amères déceptions de la première écoute calettent pour céder à davantage d’objectivité.



La pilleuse d'épaves :



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La partition du Réveil de la Force est accusée de manquer de thèmes marquants ; pour une œuvre qui en compte pourtant une dizaine, c’est un comble. Ce n’est pourtant pas faux de croire que l’Imperial March ou que Duel of the Fates – encore que ce dernier n’est pas un thème – forment des pièces musicales innovantes qui défient sans aucun doute le temps. Sans revêtir leur puissance, les thèmes du Réveil de la Force se singularisent par la finesse du récit raconté et la volupté orchestrale qui l’illustre. La plupart sont des contes en gestation dont l’ampleur ne demande qu’à naître dans les futurs épisodes. Pour le dire autrement, la maturité des thèmes ne se situent plus dans leur affirmation frontale – comme c’était le cas dès Un Nouvel Espoir – mais bel et bien dans la richesse et la complexité de l’écriture proposée par John Williams. Par conséquent, Rey’s Theme, en dépit de sa fragilité, apparaît certainement plus raffiné que ses prédécesseurs. Pour parfaire les multiples couleurs de la jeune fille, John Williams sublime plusieurs mouvements au sein de son thème. Un premier, très intrépide, est annoncé par une flûte bondissante de notes staccato et de doubles croches. S’en suit une reprise bienvenue de la clarinette et du hautbois. C’est alors que le deuxième mouvement se déclare avec six accords harmoniques au célesta de la mélodie qui patiente. Justement, celle-ci surgit peu après d’abord solennellement chez les cors puis avec lyrisme chez les violons legato alors que le premier motif à la flûte sert de contre-chant. Chaque instrument semble se hâter dans un rythme soutenu mais contenu à l’inverse donc de la marche impériale dont la mélodie aux trompettes écrasait le reste des membres de l’équipe. Plus généreux que véritablement gourmand, John Williams promène chaque motif avec une liberté suffisante. Néanmoins, la magique ballade révère aussi le talent mélodique du compositeur pour un morceau écrit en La mineur que l’on constate notamment dans l’ultime motif du thème. C’est d’ailleurs ce dernier qui conclut la piste à la trompette a cappella avant que le célesta ne vienne l’interrompre rallentando al fine. Toutefois, la version entendue du thème de Rey dans le long-métrage s’écoute surtout dans le morceau intitulé The Scavenger – pour décrire ici l’héroïne principale de la nouvelle trilogie. Nul besoin de commenter davantage la structure de ce thème déjà iconique. En revanche, The Scavenger présente quelques particularités musicales intéressantes : le première étant son introduction boisée presque inquiétante puis délivrée par une flûte enchantée et incroyablement douce ; la seconde étant sa conclusion cérémonieuse au cor puis ce retour attendu de la flûte. Pour le dire autrement, John Williams peint de la même manière Rey sur Jakku que Luke sur Tatooïne au début d’Un Nouvel Espoir. Par ailleurs, des similitudes sont à remarquer entre le thème de Rey et celui de la Force qui berce les aventures de nos héros depuis 1977. Les deux mélodies, d’abord bloquées sur une planète de sable, s’échappent dans une galaxie plus lointaine.


Avant de rejoindre définitivement les cieux impériaux, Rey rencontre d’abord sur son chemin divers nouveaux personnages de la trilogie, à commencer par le maintenant célèbre robot BB-8. Si Le Réveil de la Force demeure une grande bande originale – quoiqu’on en dise –, cela tient principalement du fait que John Williams mentionne sans arrêt ses meilleures partitions, tout du moins, ses plus complètes. Par conséquent, ceux qui adorent les notes enjolivées mais élégiaques de Hook et qui contemplent encore les trois premières symphonies de la saga Harry Potter, se passionneront effectivement pour les mouvements chaleureux du septième épisode de Star Wars. On retrouve dès lors quelques uns de ces éléments dans Rey Meets BB-8. Penser que les élans élégants de la flûte n’appartiennent qu’à la seule pilleuse d’épaves serait une erreur : John Williams emprunte aussi l’instrument pour confirmer la présence de l’automate rondouillard. Ainsi s’ouvre Rey Meets BB-8 sans pour autant que l’androïde dispose d’un thème propre – il n’en a pas nécessairement besoin. Certes de la candeur émerge des quelques notes brouillonnes en début de ce morceau ; toutefois l’espièglerie de BB-8 se vérifie davantage alors que le célesta miaule sa cavatine timidement. La demande musicale se trouve acceptée : Rey décide finalement d’accueillir le robot. A partir de ce moment-là, les violons legato et tout d’un coup crescendo rassurent la pauvre bestiole abandonnée. On entend ensuite très brièvement le thème de la Résistance greffé à cette flûte craintive jamais écartée de la partition. En outre, le compositeur n’en oublie pas les menaces qui pèsent sur l’univers en convoquant la trompette forte à la fin de son morceau. Une noirceur évidente infeste également la partition du Réveil de la Force, la rongeant, comme elle érode l’esprit de protagonistes encore immatures. On observe alors une véritable complexité dans les tons empruntés pour le morceau The Girl with the Staff. De prime abord, le thème principal apparaît tout à fait splendide, immense, et indestructible. Il en allait de même de la marche impériale. Le thème de Rey n’échappe pas à cette comparaison tant sa vulnérabilité se découvre dans le morceau précédemment relevé. Au lieu de le citer entièrement, John Williams psalmodie les dernières mesures d’une mélodie déjà chagrinée : sans éprouver le même désespoir et épouser les mêmes promesses qu’Anakin quittant Tatooïne dans La Menace Fantôme, Rey déchante au fur et à mesure que ses nobles contes s’écroulent. D’un point de vue strictement rythmique, John Williams ne perd absolument pas de sa superbe en proposant un motif presto sur les cordes des violons que les trombones et les trompettes repoussent cruellement. Les violoncelles tremblent lorsqu’ils entendent se proclamer les cuivres menaçants et grimaçants tandis que le pus du Côté Obscur pénètre la peau délicate d’un poème maintenant désillusionné.



La marche de la Résistance :



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Il ne s’agit pas, pour autant, d’éclipser les soucis qui persistent à l’écoute de la bande originale du Réveil de la Force, même si, en définitive, ces derniers ne concernent absolument pas l’aspect thématique et mélodique de celle-ci. L’ouverture cinématographique de la saga est un événement et sans modestie l’introduction la plus fameuse que nous connaissions sur grand écran. La fanfare de John Williams éclaire ainsi divinement les lettres jaunes englouties par la galaxie. On se doit, aussi, de remercier les apports prodigieux du London Symphony Orchestra disparu depuis. Autrement dit, l’orchestre de Los Angeles, plus précis mais aussi plus agressif, ne parvient pas à insuffler la même harmonie au thème principal que les musiciens anglais. Certainement plus jeune, cet ensemble tique un peu trop du côté des cuivres, les trompettes étant parfois proches de l’atonalité. Heureusement les cordes savent dénicher le raffinement et le romantisme du deuxième mouvement. Par la suite, en plus, le rythme rattrape sa vigueur de jadis et les nuances reconquièrent la grâce qu’elles avaient pour la première fois en 1977. Pour Main Title and the Attack on Jakku Village, le doux silence se propage comme pour Un Nouvel Espoir, alors que le vibraphone réclame encore ses notes distinguées. Peu de temps sépare ce moment d’accalmie de la reprise coriace des cuivres. Ceux-ci, jamais fatigués à l’image des armées de Stormtroopers, suivent de près les rangs des violons et des altos staccato. Plusieurs tremolo de trompettes attaquent la symphonie alors que la flûte traversière piano – pour symboliser BB-8 – se terre dans les dunes chaudes du désert de Jakku. De nouveau proche des arrangements des premiers Harry Potter, John Williams invoque ensuite les écritures de la prélogie, c’est-à-dire un subtil mélange rythmique binaire entre les cuivres criantes, les cordes marquant les temps et le retour magnifique des timbales martiales. Alors que l’orchestre déchoit dans l’atonalité, une terrible mélodie explose sur deux mesures de cinq notes aux trompettes, si terrifiante qu’elle ose se présenter deux fois. Ce thème, celui de Kylo Ren, ensorcelle les cuivres qui l’acclament. Une même vivacité s’incarne dans un tout autre registre pour la piste qui suit : I Can Fly Anything. Inutile de douter sur ce morceau : celui-ci s’intègre officiellement dans la tradition musicale de la saga. Toujours aussi violentes, les trompettes masquent parfois en vain les glissati des flûtes enchantées, ou le retentissement des percussions. De nouveau, les cordes s’emparent du mouvement enclenché pour signaler leur présence bienvenue, voilant avec plaisir les notes éclaboussantes des cuivres. En les éloignant du récit orchestral, elles parviennent à faire glisser, comme un chasseur TIE entre les filets du Finalizer, le thème héroïque de Poe Dameron joué fortessimo. Désormais, les percussions, les bois et les cordes se confient davantage : on apprécie donc une meilleure communication de l’ensemble de l’orchestre qui se dissipe certes à la fin du morceau.


Trois rebelles jalonnaient les étoiles pour que toujours elles scintillent dans la trilogie originale ; on ne compte maintenant qu’une seule insoumise dans les rangs maigres mais vaillants de la Résistance dans Le Réveil de la Force. Modèle pour des milliers de filles de la galaxie, référence pour des millions de femmes dans l’espace, la princesse Leia maintenant nommée générale, se dresse élégamment dans l’introduction de Han and Leia. Par-dessus les cordes délicatement pincées de la harpe, la flûte chaleureuse, un peu vieillie et épuisée mais continuellement belle, transporte le thème de Carrie Fisher. D’un coup stoppée, elle ne peut continuer de jodler, et sollicite l’aide de son aimant adoré. Dès lors, le thème de Han et de Leia apaise le cœur lourd de la fille d’Anakin et de Padmé. Point de romantisme : aucun instrument ne saurait mieux personnifier la douleur de ces deux personnages que les violoncelles attristés. Par ailleurs, John Williams efface ses mélodies dans l’oubli, comme si elles appartenaient définitivement au passé. Pour lui, en revanche, il vaut mieux célébrer les nouveaux décors de la trilogie annoncée ; c’est pourquoi ce dernier ne tarde pas de délivrer l’heureux thème de la Résistance. Grâce à des doubles-croches et des intervalles de seconde, le compositeur américain proportionne correctement ce chant martial, l’accouplement entre les cuivres et les violoncelles en contre-temps étant on-ne-peut-plus parfait. Très vite supplanté, ce dernier laisse place aux joyeux instruments reconnus du début d’Un Nouvel Espoir, à savoir les bois malicieux tels que la flûte, la clarinette et le cor. C’est d’ailleurs cette taquine clarinette qui annonce le retour d’un autre fameux personnage : C3-PO. Par moments, seulement, John Williams cite de nouveau ce très cher Stravinski et son célèbre Sacre du Printemps. Le gentil ballet de l’automate doré ne parvient cependant pas à congédier les inquiétudes de deux parents alarmés ; dès lors le thème de Han et Leia s’exprime sans grand encouragement jusqu’à ce que l’autre thème de Kylo Ren soit notifié quelque part entre les mesures des cordes. La mélodie soufflée dans une trompette piano témoigne de l’inconstance mentale de l’ancien apprenti de Luke Skywallker. Tout logiquement, le thème de la Force, enfin lui, ressuscite un espoir latent mais bel et bien réel. Le plus beau thème de la saga ne requière aucune grandiloquence tant la seule expression de celui-ci, même à une nuance mezzoforte, inspire sagesse et provoque consolation.


March of the Resistance couvre la chorégraphie mécanique des X-Wings au-dessus des collines de Takodana. Ce morceau, écrit en La mineur sur un tempo allegro comme Rey’s Theme, sublime les mouvements gracieux de ces oiseaux de la Résistance et la parade belliqueuse de Poe Dameron pour secourir ses compagnons infortunés. Pour ce faire, John Williams débute par une attaque de trois mesures de tremolo de trombones, qui rappelle par conséquent les tirs des canons de ces engins cosmiques. Puis, de retour à la nuance piano, le compositeur fait dialoguer les bassons, les violons et les trompettes alors que le thème de la Résistance se magnifie dans chacun de ces instruments. La légèreté des premiers laisse place au lyrisme des seconds tandis que les cuivres ajoutent forcément de la couleur à cette mélodie. Constamment en train de se répondre les uns les autres, même si les trompettes dominent logiquement cette fugue, ils fortifient les bataillons de cette rébellion. Bien qu’il faille saluer le travail rythmique de John Williams quant à l’écriture musicale des cuivres, les violons, tantôt en train de marquer le tempo soutenu, tantôt en train de chanter le thème, apportent une valeur certaine à la partition. Plus malins que les trompettes, ceux-ci se diffusent partout, à tel point qu’ils jouent à des hauteurs stupéfiantes, comme pour accentuer l’agilité des vaisseaux de la Résistance. Certes, le thème demeure la plupart du temps accroché à sa tonique, mais il arrive toutefois que John Williams s’appuie sur d’autres degrés – notamment pour les bassons et autres bois – afin de renforcer le caractère intrépide des pilotes qui combattent le Premier Ordre. Le triomphe de ces dames et de ces messieurs ne pouvait cependant qu’être manifesté par une reprise sur la tonalité d’origine par des trompettes endiablées. Un tel courage se doit d’être récompensé deux fois ; c’est pourquoi Scherzo for X-Wings honore de nouveau les X-Wings à l’assaut de la base Starkiller. Comme son nom l’indique, un scherzo est une pièce musicale relativement rapide – bien que celui-ci ait un tempo plus lent que March of the Resistance voire que Rey’s Theme –, à caractère joyeux ou divertissant, diront certains. Épaulé par le thème principal, plus flamboyant que jamais, la marche de la Résistance parvient malgré tout à rugir lorsque l’orchestre se modère rythmiquement. Plusieurs canons musicaux font virevolter les ailes de ces X-Wings qui se promènent entre les trompettes en vue d’affaiblir l’assise des armées du Premier Ordre. Tant que Poe Dameron ne se faufile pas dans les rangs de l’ennemi, le thème principal ne peut s’exécuter entièrement. Ainsi, quelques ostinato rythmiques valsent la symphonie jubilatoire, alors que l’intervention des flûtes sous forme de glissati aère de bon cœur le morceau. Plus époustouflant encore, l’utilisation massive et pourtant très juste des diverses percussions ; du vibraphone aux timbales, en passant bien évidemment par les cymbales, l’usage de ces derniers s’avère tout le temps approprié.



A bord du Faucon Millénium :



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Tout ceci ne décrit néanmoins pas le récit principal raconté par J.J. Abrams et Laurence Kasdan pour Le Réveil de la Force. Retournons donc auprès de l’intrépide Rey qui, sur Jakku, fait une nouvelle rencontre. Le tout récemment nommé Finn rejoint la petite équipe formée avec le robot BB-8 et tout de suite la confiance se trouve partagée. Dans Follow Me, les bois, et plus particulièrement la clarinette et la flûte, retracent les anciennes devises prononcées dans Rey Meets BB-8. Malgré le fait que cette boule animée n’ait pas droit à son propre thème, John Williams lui aligne un leitmotiv fugace et succinct, au contraire d’un personnage comme Finn. Le déserteur amuse de fait nettement plus le compositeur qui lui offre un thème rafraîchissant – pour ne pas dire innovant dans le cadre de la saga Star Wars – et avant tout palpitant. Tout indique, dans ce morceau, que l’on a ici affaire à une mélodie totalement scandée : des doubles-croches des violons aux staccato incessants des bois finement mêlés aux cuivres, des intervalles de seconde sans cesse répétées au rythme binaire formidablement exécuté. Les personnages ont à peine le temps de reprendre leur souffle que les trompettes signalent de nouveau ce chant saccadé : il faut dire que Rey et Finn sont poursuivis par des TIE Fighter. L’usage des nuances influe automatiquement sur le morceau qui gueule royalement le thème du Faucon Millénium en guise de conclusion. La course poursuite continue d’ailleurs dans la piste suivante qui se nomme tout naturellement The Falcon. Encore une fois, le rythme imposant berce la piste qui se révèle bien plus enivrante que la précédente, les cuivres et les percussions se questionnant avec insistance. Le thème de Finn se pare en outre des notes dansantes du xylophone alors que le thème du Faucon Millénium, cette fois-ci, épate grandement les adversaires de nos héros en danger. Tandis que le premier allège la tonalité du morceau, le second revigore un orchestre parfois inattentif – ici on comprend qu’il s’agit de Rey commandant le vaisseau et donnant des ordres au Stormtrooper abandonné. Ce dernier ne se laisse pourtant pas attendrir aussi aisément et nargue clairement la future Jedi en lui riant son thème au nez. Plus proche de Quidditch, Third Year que de Zam The Assassin and The Chase in Coruscant, même si l’atmosphère transmise demeure plus comique, la piste se perd effectivement parfois dans les méandres de l’harmonie, modélisant ainsi les lacunes de protagonistes maintenant unis. Le crescendo des cuivres certifie, de surcroît, la victoire libératrice de ces deux-là. Après quoi, le Faucon Millénium vogue dans la galaxie, alors que le retentissement des flûtes le propulse vers de nouveaux chemins.


Le navire spatial à peine libéré des griffes de Jakku, il est fait de suite prisonnier par un énigmatique vaisseau. Aucune raison de s’inquiéter pour autant puisqu’il retourne entre les mains de son propriétaire : Han Solo. Les quelques premières secondes de The Rathtars illustre le retour tant attendu d’un des héros de la trilogie de départ. Premièrement stressés et effrayés, les violons se morfondent dans un ostinato rythmique vivace, puis ils applaudissent le retour du bandit le plus célèbre de la galaxie en annonçant brièvement le thème de la Force sur sa première mesure. L’utilisation la plus minimale et la plus minimaliste de ce thème demeure judicieuse tant elle accompagne le récit filmique du Réveil de la Force ; or elle témoigne aussi d’une des faiblesses du long-métrage à laquelle John Williams s’accommode remarquablement bien. Effectivement, le film ne se repose que très rarement, ce qui multiplie par conséquent le nombre de pistes martiales. Heureusement, le compositeur américain trouve le moyen de marier ces accompagnements militaires avec de purs moments poétiques, pour ne pas dire lyriques. Cependant, pour en revenir à la séquence que retrace The Rathtars, la musique bascule donc très vite vers l’épique. A l’inverse de March of The Resistance ou encore de Scherzo for X-Wings, la partition déifie davantage les percussions, à commencer par les timbales dont John Williams autorise parfois un silence complet du reste de l’orchestre. Toutes les percussions, y compris le piano, participent donc à gonfler cette tempête musicale. Plus généralement, la piste intéresse par le rythme qu’elle impatronise, si bien que la symphonie ressemble surtout à une nouvelle cacophonie dans la saga Star Wars. Le compositeur ne se sert néanmoins pas – ou peu finalement – de l’atonalité pour exécuter magistralement ce morceau. Les gestes de William Ross – le chef d’orchestre – favorise ainsi la virtuosité oppressante de The Rathtars en chassant intelligemment les cuivres acerbes. La puissance délivrée épuise en revanche l’orchestre qui supplie le compositeur de lui prêter une mélodie ; et John Williams interloque de nouveau en proposant le thème de Finn afin de ne pas altérer le rythme entamé. De plus, le thème de Finn amène avec lui une nitescence évidente à la partition, renforcée par la précision du jeu du xylophone et du vibraphone, toujours aussi enthousiasmés de vanter cette ariette. Loin de faire l’affaire, le renfort du thème de Faucon Millénium sauve de justesse le groupe de nos héros depuis agrandi. Il est temps pour eux de trouver un peu de repos au milieu des étoiles.


Mélancolie et sagesse se propagent paisiblement dans la partition du Réveil de la Force alors que Rey, Finn, Han, Chewbacca et BB-8 atterrissent sur Takodana. Sur la planète la plus verte de toute la galaxie, ils y font la délicieuse rencontre de Maz Kanata, petit être mais grand esprit à l’entendement respectable. Son calme et sa maîtrise confèrent une aura particulière au morceau intitulé Maz’s Council. Aussi, les tremolo pianissimo des violons embellissent le régal orientale du cor anglais qui, avec charme, se cercle d’appogiatures. D’autre part, le tintement discret du célesta réverbère l’étrangeté de la chanson, comme on pouvait l’entendre souvent dans les deux premières bandes originales de la saga Star Wars. Le ton devient soudainement grave quand Finn décide de fuir l’apocalypse annoncée. Dans sa chaste naïveté, Rey repousse le cor pessimiste de Finn avec un doux son de hautbois, bien que ce dernier ne fasse pas le poids contre un instrument si déterminé. S’en suit alors un magnifique ostinato de violoncelles alors que Rey saisit le sabre laser de Luke Skywalker, le doute s’installant dès lors dans son esprit vacillant. Puis l’équilibre. La Force. Elle qui, dans ce film, ne fait que sommeiller, atteint enfin les pensées les plus troublées de l’orpheline de Jakku. Ainsi, tout l’orchestre se tait, avec respect, quand le cor solfie le thème de la Force. Fut-ce peut-être trop d’un coup pour une rêveuse pragmatique : le thème de Rey hennit tragiquement, incapable de supporter un destin trop lourd, un héritage trop important. D’autant plus que celle-ci vient de subir la révélation de Finn quelques instants plus tôt autour de la musique Finn’s Confession. Rey, hagarde quant aux pouvoirs de la Force ; Finn, pleutre quant aux menaces laissés par le Premier Ordre. Il n’a donc pas à rougir de honte lorsqu’il fuit les rangs de la Résistance – pour ensuite les rejoindre – tout comme Rey ne peut se sentir humiliée de s’isoler dans les forêts réconfortantes de chênes, de pins et de fougères. La musique de John Williams, dans l’introduction de Finn’s Confession, enhardit chaleureusement ces deux enfants solitaires en caressant leurs épaules de violons legato. Dans cet instant de sincérité – si précieux dans un long-métrage où les protagonistes se mentent incessamment –, les cordes pleurnicheuses retardent, avec leurs longues notes blanches, la rupture inévitable de rejetons délaissés dans la nature. Dans l’enregistrement, cependant, la deuxième partie du morceau concerne la béatitude de Rey lorsqu’elle aperçoit pour la première fois les forêts humides de Takodana ornées de lacs majestueux. Son thème se farde alors d’ornements folâtres pour soulager ses yeux embrumés de larmes de bonheur.



Kylo Ren :



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Les éclats comiques de la première heure se sauvent ensuite pour que la mythologie starwarsienne s’embrase finalement. La prélogie avait auparavant démontré la puissance dramaturgique de ce conte familial. Il n’est donc pas question que cela change pour Le Réveil de la Force qui permet aussi à John Williams de perfectionner son talent théâtral. L’espace infini n’est pas assez grand pour éloigner tous les dangers et tous les malheurs ; ainsi la base Starkiller dévoile sa grandeur dévastatrice en détruisant la Nouvelle République établie depuis la chute de l’Empire. Plutôt que d’accentuer l’effet démoniaque à coups de trompettes et de timbales, John Williams lamente les âmes désormais brûlées des planètes démocratiques qui, en quelques secondes, ne sont plus que poussières. The Starkiller, complainte élégiaque écrite en La mineur, accroît notre peine en prolongeant ses notes tenues et ses accords presque contenus, de peur de créer une musique trop envahissante. A l’inverse donc de La Revanche des Sith, John Williams retient la mélancolie de son orchestre et opte pour davantage de retenue, de modestie aussi, puisque de tels moments désespérés ne peuvent susciter que l’indignation. Chaque mort provoque le crescendo des cordes dont le cri insupportable ne demande qu’à cesser ; c’est pourquoi John Williams exauce leur vœu en exécutant un decrescendo éploré. Pour autant, les affaires du Général Hux importe finalement peu à la réelle menace contre la Force, c’est-à-dire le mystérieux Suprême Leader Snoke, vieille bête défigurée aux robes brodées. Dans la trilogie originelle, dans la prélogie ensuite, la mélodie du mal ne se déguisait pas avec les habits rythmiques de la marche impériale. En réalité, elle se niche au milieu des chœurs masculins, graves et obscurs, à l’image du thème créé pour l’Empereur. Vingt-quatre voix, pas une de plus, vocifèrent les paroles nocives de Snoke, tandis que celles de l’Empereur étaient justement murmurées. Sans doute que John Williams révèle, bien avant la sortie des Derniers Jedi, la toute-puissance du maître de Kylo Ren alors que Dark Sidious ne requérait pas cette extravagance. Chaque syllabe semble prononcée avec plus de vigueur et de conviction comme si toutes les voix, liguées ensemble, nourrissaient le corps difforme et maladif de Snoke. Et chaque pore de sa peau visqueuse transpire d’arrogance comme le font remarquer des violoncelles hautains et des violons remplis de mépris, venus escortés ces bourdonnements mortifères. Toujours plus confiant, toujours plus présomptueux, le chœur de ces mâles s’abreuve des apports des cordes afin de contenter son orgueil. Pour ce faire, un simple crescendo, à peine audible, inscrit cette cantilène presque religieuse dans chacun des stigmates du jeune apprenti.


Si Dark Vador était prisonnier de son armure, Kylo Ren est, quant à lui, séquestré dans son passé qu’il juge de manière complètement hâtive. En s’abouchant avec le fils de Han Solo et de la princesse Leia, on discerne d’abord des doutes, des peurs, des aspirations irrassasiables et en tout point désirables. Un moineau, contrôlé par un vautour, qui aspire à devenir un aigle : là se dresse Kylo Ren. Kylo Ren Arrives at the Battle présente finalement justement ces différents aspects de la personnalité du prince noir. Les violons, ainsi timides – et donc joués piano –, s’emballent ensuite pour annoncer l’arrivée de l’individu masqué. Juste avant, entre les contre-temps du xylophone qui prolongent l’attente, le hautbois pathétique ne réussit pas à faire reculer la marche frénétique des trombones, soulignant chaque pas pimpant du petit-fils du seigneur Vador. Une écriture plus fine des nuances, allant du piano au forte, démontre encore une fois la souplesse de l’orchestre dirigé en partie par John Williams. S’amusant également sur les rythmes des violoncelles, le compositeur trompette le thème de Kylo Ren, composé d’une répétition de deux mesures de cinq notes, alternant judicieusement entre les noires et les blanches pour renforcer la hardiesse du chevalier destructible. Tandis que les violons redoutent la cruauté de ce dernier, en s’affolant rythmiquement, l'ode retentit de nouveau pour tenter de les faire taire. Au contraire, le thème de Rey se réveille au hautbois chagriné, pour clore le morceau sauvage qui vient d’être écouté. En outre, aucun personnage de la saga ne s’était vu attribué deux thèmes, ou plutôt deux motifs distincts ; or Kylo Ren s’enveloppe d’une armure thématique solide et terrifiante. Le premier thème, ci-dessus commenté, présente un garçon tantôt orgueilleux, tantôt majestueux lorsque les cors défilent la courte mélodie de celui-ci. Le second thème, monstrueux, pour ne pas dire effroyable, renvoie indirectement à la marche impériale. On l’entend justement crier sans retenu au début de The Abduction alors que les violons se fixent, tout tremblants, dans l’atonalité. La marche impériale se suffisait elle-même sans hurler ; cette reformule du thème le plus célèbre de la saga ne cesse de pépier. Accéléré rythmiquement, agrandi dans les nuances, ce thème atteste de l’instabilité psychologique de l’enfant colérique. Cette fausse impression de contrôle et de maîtrise du Côté Obscur endort toutefois la courageuse et tourmentée Rey. Maintenant captive, le troisième mouvement de son thème, le plus beau pour ne pas vous mentir, appelle à l’aide sans que personne ne puisse secourir l’élève de la Force. Cette longue plainte vaine glisse férocement sur les cordes des violons avant que les cors ne viennent interrompre ces illusions mélancoliques. Pour la première fois, peut-être, depuis le début de la bande originale du Réveil de la Force, l’émotion vive de l’écriture musicale de John Williams transparaît efficacement. Les lourdes harmonies distribuées à la fin de la piste subjuguent pour leur juste tristesse, transportant avec lyrisme nos oreilles poétiques.


Non sans étonnement, John Williams préfère paraphraser la prélogie plutôt que la trilogie originelle, lui adoptant ses agitations minimalistes. De nouveau, donc, dans On the Inside, le musicien fait résonner de multiples et divers ostinato rythmiques, principalement chez les violons qui s’enfièvrent crescendo. Impatient, le premier thème de Kylo Ren s’engoue avec férocité dans le souffle acerbe des trombones, et, au même moment, les trompettes lui accrochent des tremolo vigoureux. La suite de la piste procède de la même façon, en ajoutant habilement les coups de timbales, en proliférant les crescendo de cuivres sanglants, afin d’exhumer l’animosité du neveu de Luke Skywalker. On se délecte, d’autre part, de la formation adulte des cuivres au caractère plus humble et plus assuré. Sorti de nul part, presque inapproprié, la clarinette pousse quelques signaux d’une légère note tenue, timide et dolente, sans que Kylo Ren n’en tienne finalement compte. Sa décision est déjà prise depuis plusieurs minutes et elle est gravement narrée dans Torn Apart. Déchirée, la musique le demeure totalement : l’introduction du morceau présente un échange teinté d’espoir et de désespoir entre les violons, les altos et les violoncelles qui prorogent leurs notes blanches dans le but de tarder le moment fatidique. Impossible, pour ces calmes instruments, d’accepter la douleur qui suit inévitablement. Pourtant leur silence soudain masque leurs futurs sanglots. Déchiré, le morceau l’est encore plus quand ces cordes, autrefois caressantes, échoient dans la menace. Un ostinato mélodique, phrasé à différentes hauteurs, poignarde de plusieurs coups Han Solo alors qu’un seul aurait suffit pour le faire tomber. Plongés dans l’horreur de la scène, à un tempo effréné, les instruments s’affolent de perdre un être si cher, ne croyant pas à la folie amorcée. Tandis que les violons legato bercent la chute du compagnon de Chewbacca vers les limbes mortelles, les trompettes éclaboussantes explosent leur colère à la gueule du parricide qui, quant à lui, leur répond bestialement avec le jaillissement de son thème. Un combat animal s’enclenche entre les différents cuivres pour savoir lequel dominera l’autre et lequel s’inclinera. Trombones et trompettes s’aboient dessus et les glissati de flûtes se font gifler méchamment. La violence auditive est telle que le thème de la Force paraît odieux à bramer fortessissimo. Le duel se personnalise enfin quand le thème de Kylo Ren, toujours aussi perfide, salue le thème de Rey, toujours aussi romantique. Un sabre laser rouge s’illumine ; un sabre laser bleu éclaire les bois couverts de neige. L’opposition, bien connue, bien réelle, entre le Côté Obscur et la Lumière prépare un énième combat.



Les voix de la Force :



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Le craquement des arbres et le frisson du vent froid se personnifient musicalement au début de The Ways of the Force quand, avec précision, le bois des cordes crépite tandis que l’atonalité du reste de l’orchestre s’amenuise au retour du thème impérial de la Force. Logiquement le dominant plutôt que le dominé, Kylo Ren propose son premier thème, mais les coups de xylophones, de trombones et de flûtes le refoulent avec difficulté. Rey, de son côté, expose le troisième motif de son thème, trop faible encore pour contrer la puissance maléfique du souverain du Côté Obscur. Dans sa fierté et sa virilité, Kylo Ren choisit cette fois-ci de rejeter ses deux motifs, et il ne se doute pas une seule seconde que l’héroïne de Jakku puisse le battre. Il n’existe dès lors qu’une seule et unique solution pour le mettre à terre : utiliser la Force. Nul besoin que le thème s’exclame vaillamment mais simplement piano, quelque part entre l’ombre bienfaisante et de la lueur aveuglante, un équilibre subtil entre le hautbois et la flûte traversière, mélange de candeur et de douceur. Après quoi le thème de Rey se rigidifie en tombant certes dans le désordre et l’aigreur. Un dernier soutien du thème de la Force, cette fois-ci forte dans le tube des trompettes, permet à la mélodie romanesque de vaincre le thème de Kylo Ren désormais muet. Une fois déchu, on ne l’entend plus dans Farewell and The Trip. A la veille de partir à la découverte de Luke Skywalker, Rey, Finn et Chewbacca fuient la base Starkiller qui se métamorphose en un soleil magnifique, aspergeant l’énergie aspirée sur l’ensemble de la voie lactée. Pour sublimer ces plans de la transformation de la planète blanche, John Williams blasonne nos héros du thème de la Force, chanté aux cors victorieux, et les trompettes l’accouplent intelligemment de mélismes. Rappelons qu’il s’agit d’une excellente ré-interprétation du thème – au moins aussi belle que celle empruntée dans Star Wars And The Revenge Of The Sith. Le thème de Rey est de suite plus confiant et n’hésite plus à se pavaner pudiquement dans les dernières chansons de la bande originale du Réveil de la Force. Partout il se diffuse ainsi dans Farewell and The Trip qui voit se réveiller d’anciens compagnons de fortune tels que R2-D2. Le thème de la princesse Leia le console pourtant délicatement sans y parvenir totalement. Le solo de violon, implacable, devrait en revanche accueillir avec humilité la reprise du thème du général Organa tandis que l’hymne de la nouvelle protagoniste s’élance avec le thème de la Force dans l’immense espace. Les notes du premier mouvement de ce dernier cabriolent ainsi dans la galaxie à la recherche du dernier Jedi.


Une marche, puis deux, puis trois et puis des centaines d’autres. A chaque pas exécuté sur ce chemin de pierres et de roches, le célesta prononce une note. The Jedi Steps and Finale, aussi renommé maintenant que Rey’s Theme, raconte l’ultime étape du personnage féminin principal du Réveil de la Force. La légèreté de la partition participe à façonner une émotion pure et limpide. Loin de la complexité employée pour nous faire découvrir Rey, John Williams choisit la simplicité mélodique et harmonique, nous fournissant un motif sobre et serein. Le calme des seconds violons, joués tremolo, s’associe avec le sérieux des altos qui chuchotent le concert. Naturellement, romantiquement aussi, la flûte traversière reprend gracieusement le mouvement quand l’orchestre, et principalement les cors hiératiques, affirme les précédentes mesures exécutées. De nouveau dans la plénitude des nuances piano, en quête de l’équilibre, le thème de la Force se manifeste dans sa globalité. Seuls les violons l’accompagnent mélodieusement avant que ceux-ci se précipitent pour exprimer le motif. Toutefois, il conclut le long-métrage en extasiant son refrain avec incertitude, comme si, même du côté de Luke Skywalker, l’avenir restait enténébré. La suite, dirigée par le chef d’orchestre Gustavo Dudamel, avec énergie et entrain, regagne la prestesse d’autrefois et les thèmes se succèdent les uns après les autres sous leur forme symphonique d’origine. La jeunesse et la fougue de l’apprenti de John Williams se conjugue à la vélocité des mouvements enclenchés : le thème de Rey, joué à un tempo plus rapide, se répète avec ferveur dans son troisième mouvement, plus tragique, comme pour nous signaler que son aventure suivra un destin fort dramatique. A l’inverse, le premier mouvement de celui-ci, aux trombones, ouvre les voies épiques de son histoire, se greffant ensuite à la brutalité du thème de Kylo Ren. Se suivent les thèmes enjolivés de Finn puis de Poe Dameron naviguant sur les vagues torrentueuses de l’univers starwarsien. Quant à celui de la Résistance, il reste tout à fait inchangé, et l’on se plaît à écouter cette valse homérique pour les X-Wings. La Force, encore elle, trône, pour finir, à la fin du morceau. Elle seconde en fait le réel thème à retenir de cet épisode : celui de la pilleuse d’épaves. Une flûte, perdue au milieu d’une jungle d’astres, tente de survivre. Les violons legato, dont les notes sont semblables à des larmes ruisselant sur leurs cordes, partagent la tristesse de la jeune demoiselle. Un dernier écho des trompettes et le thème s’évanouit. Cinq notes concluent cette nouvelle odyssée, celle du thème principal joué au célesta marié au piano. Il en va ainsi des contes et des légendes : on les répète, toujours plus dans l’intimité, sans avoir besoin de les hurler. Vierges, ces cinq petites notes, gracieusement touchées, sonnent le réveil de la Force.



Un nouvel espoir :



John Williams accouche de nombreux nouveaux thèmes, raffinés et élégants, en tentant de faire disparaître les anciens un moment – si ce n’est celui de la Force, bien évidemment. Autour de la brillante mélodie accordée à Rey se bataillent d’autres thèmes pour conquérir la belle : celui de Finn dans Follow Me ou encore celui de Kylo Ren dans The Ways Of The Force figurent parmi ceux qui la défient et la désirent le plus. Leur développement s’accomplira dans Les Derniers Jedi. Ainsi, ce n’est pas sur la question thématique que la bande originale du Réveil de la Force peut être attaquée ; il s’agit avant tout de problèmes d’enregistrement et de mixage. En effet, bien plus que lors de la prélogie, certains morceaux se retrouvent injustement sacrifiés par le montage impatient du film de J.J. Abrams. Quand un tel monument musical compose pour un long-métrage, autant dire qu’il ne faut certainement pas se priver de tous les détails cachés par ce dernier. Néanmoins, en leur prêtant davantage attention, ces subtilités épatent les oreilles de l’auditeur. Espérons donc que celles-ci voyagent jusqu’au prochain épisode.

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le 25 sept. 2017

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Nonore

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