Comme sur son prédécesseur, (we are now) seated in profile, la musique de Valérie Leclercq évoque parfois les films muets, tendance expressionniste, ambiance fantastique (For god’s sake let them us ou the grass divides as with a comb chanté en duo avec Jullian Angel). Ceres Pluto Eris est même un vrai instrumental au piano laissant planer un mystère, à chaque accord. D’ailleurs, il y a souvent du Satie dans ce piano suspendu (Sea of Roofs). La musique de Half Asleep est habitée, une image que l’on utilise souvent, à mauvais escient mais qui trouve une véritable incarnation ici. La Belge a un vrai univers – autre cliché – arrivant à créer une musique fragile mais chantée d’une voix grave et distante ; une musique de folk de chambre qui pourrait apparaître comme »classique » mais qui par le regard biaisé, que lui porte, Half Asleep devient spéciale et particulière. On peut parler de miroir déformant par exemple quand associée à Isabelle Casier de Pollyanna ou Delphine Dora, elle crée des polyphonies vocales harmonieuses mais étranges. Sur Personnalité H, il y a carrément cinq voix ensemble, créant une atmosphère belle et effrayante, qui, si elle ne va pas aussi loin que le travail de Ligeti ou de Komeda (liés à jamais aux BOs de Kubrick et de Polanski) commence déjà à s’en approcher.
Au même titre que Cat Power, la musique Half Asleep vient de la folk mais avec cette même exécution à fleur de peau et, cette folie sous-jacente qui, font naître, l’émotion d’une sensibilité, particulière et cabossée (The Fifth stage of sleep). Pourtant, l’instrumentation de la Belge la différencie de l’Américaine. Chez Half Asleep, flute, clarinette, viole de gambe (tenue par Colleen) créent un écrin précieux et hautement mélancolique. Ces instruments, rajoutent encore plus, au caractère sans age et hors du temps d’une musique, où la rythmique n’est marquée, ni par une basse, ni par une batterie. La tristesse et même parfois la douleur transpirent dans la musique de Half Asleep. Pourtant, derrière la noirceur, une beauté éclatante ne demande pas mieux qu’à apparaître (Une invitation sur un texte d’Emily Dickinson est bouleversant). Et c’est bien là l’essentiel.
Unique. Comme son label.