The Diary
7.2
The Diary

Album de The Gentle Storm (2015)

Arjen Lucassen est décidément quelqu’un de très prolifique et on peut craindre que nos dix doigts ne soient bientôt plus suffisants pour compter le nombre de projets dont il a accouché. Après Ayreon, Star One, Guilt Machine, Ambeon et j’en passe, le néerlandais inaugure avec cet album The Gentle Storm, mené en collaboration avec Anneke Van Giersbergen, formation qui sera probablement réitérée si on en croit les récents propos du néerlandais. La question est maintenant de savoir ce que vaut ce premier jet.


Beaucoup de chose à dire sur The Diary, donc allons à l’essentiel : la musique. C’est le bruit des vagues s’écrasant sur le rivage qui nous parvient lorsqu’on débute l’écoute de cet album (cela deviendrait-il une habitude ? ^^), une cloche sonne un peu plus loin, puis un chœur sur fond de percussions s’impose avec force pour qu’enfin nous parvienne la voix d’Anneke, toujours aussi envoutante. Le voyage commence, au sens propre comme au figuré. On ne sera donc pas surpris de ne rien trouver à reprocher au chant tant les harmonies et la technique sont maîtrisés.


Côté instrumentation, exit le clavier si cher au compositeur. Place à toute une panoplie d’instruments exotiques tels que mandoline, sitar, banjo, flûte, pipeau et bien d’autres, qui viennent s’ajouter aux traditionnels piano, guitare, basse et batterie. Tout ceci pour autant de mélodies incitant au dépaysement. Par ici on reconnaîtra l’influence de The Theory of Everything, par là on entendra des sonorités qui semblent issues d’OST vidéoludiques comme celle de Trine, en particulier sur la version Gentle qui n’est pas sans rappeler le style reposant de Blackmore’s Night, là où la version Storm, plus lourde, se voudra plus épique.


J’en arrive donc au cœur du concept de The Gentle Storm, titre oxymorique qui indique à lui seul la construction de ce double-album : deux CD pour deux arrangements différents d’un même morceau, deux versions d’une même histoire, l’une calme et acoustique (Gentle), l’autre plus épique et heavy (Storm). Sur le papier, je me suis dit : « Super idée ! », puis après écoute, j’étais plus mitigé. Les morceaux ont beau être assez diversifiés au niveau mélodique, ils restent dans les mêmes tonalités et les deux albums nous apparaissent rapidement trop homogènes. Les musiques se succèdent et se ressemblent, sans rupture. C’est agréable à écouter, mais ça passe sans surprendre. Dommage.


Après réflexion, j’ai le sentiment que la réception que l’on va avoir du concept dépend de la manière dont on appréhende un album. Si on apprécie la variété de composition, la surprise, on risque d’être un peu déçu. Pour autant, j’ai constaté que cette même homogénéité constitue un avantage de l’avis d’auditeurs dont les goûts sont plus ciblés, certains préférant d’assez loin l’une ou l’autre version. Difficile donc d’émettre un avis objectif sur la question du concept. J’imagine que les habitués de Lucassen, appréciant la diversité stylistique dont il fait preuve, seront sans doute un peu déçus de cet aspect, mais d’autres pourraient bien trouver leur compte dans la cohérence des albums qui les rend plus accessibles.


Un dernier mot sur la dernière facette de The Gentle Storm, et non des moindres puisqu’il s’agit de l’histoire. S’il est une chose que l’on ne pourra reprocher au néerlandais, c’est son éternel perfectionnisme qui atteint ici son paroxysme. Il n’y a qu’à regarder la qualité du livret pour s’en convaincre : le soin apporté à la mise en page force le respect, les illustrations sont sublimes et on a même droit à des explications sur le contexte historique. L’histoire, elle, est basée sur des faits réels et nous est contée via les lettres que s’échangent Suzanne, une habitante d’Amsterdam, et Joseph, son époux parti pour un long voyage vers les Indes. Touchantes, chacune des lettres mises en chant par Anneke sont entrecoupées d’extraits du journal intime que tient Suzanne, disponibles dans le livret, donnant son nom à l’album : The Diary. Plus que jamais, et même si c’est souvent le cas avec Lucassen, j’ai eu la nette impression que passer à côté de l’histoire, c’était passer à côté de l’album.


Au final, je serai bien en peine de dire si cet album m’a davantage plu ou déçu. D’un côté, le concept des deux versions pourra laisser perplexe. De l’autre, la musique et l’histoire sont une invitation au voyage qui ne se refuse pas. Une chose est sure, Arjen et Anneke ont mis tout leur cœur à l’ouvrage et leur passion pour la musique est communicative. Mais The Gentle Storm n’en est qu’à son coup d’essai et j’ai bon espoir que le projet se bonifie avec le temps.

Gilraen
7
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le 10 avr. 2015

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Gilraën

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