Que se passerait-il si les E.T débarquaient subitement tout autour de la planète ? « Pan, pan ! Boum, boum ! » répondent aujourd’hui la majorité des grands noms du cinéma. Denis Villeneuve, quant à lui, nous offre sa vision, probablement plus crédible, de ce à quoi pourrait ressembler un premier contact.


Star Treck, Star Wars, Independance Day, Seul sur Mars, Divergent ou la franchise Marvel sont autant de titres sur lesquels on tombe lorsqu’on fait une rapide recherche des films de science-fiction récents. Le dénominateur commun à tous ces long-métrages, c’est qu’ils se conforment à un nouveau paradigme qui régit la SF hollywoodienne : c’est un cinéma de pur divertissement. Or, considérer la SF comme tel est extrêmement réducteur. On parle d’un genre qui, en littérature, consiste surtout à interroger notre réflexion sur des problématiques, souvent dans l’ère du temps, en les décalant dans un univers imaginaire. Ce que le cinéma a trop tendance à oublier ces dernières années.


Et Premier Contact parvient justement à renouer avec cet aspect essentiel de la SF car il s’inscrit dans la lignée des rares blockbusters qui font preuve d’un minimum d’ambition, d’audace, en adoptant cette démarche un peu plus réflexive.


Dans son film, Denis Villeneuve utilise la science-fiction comme tremplin pour nous parler plus particulièrement de thèmes qui lui sont chers, en particulier la communication. Comment communiquer avec une espèce qui nous est à ce point étrangère ? Chacun veut savoir. Ces aliens nous attaquent-ils ? Sont-ils des alliés ? Comment sont-ils arrivés ? C’est à Louise, experte linguiste incarnée par Amy Adams, – tout à fait convaincante au passage – de répondre à ces questions. D’emblée, Villeneuve nous montre que la situation ne se règlera pas en 3 coups de cuillère à pot, comme dans n’importe quel blockbuster. La démarche prend du temps, elle est pleine d’incertitude et elle se confronte à un obstacle de taille. En effet, avant d’espérer communiquer avec une quelconque race étrangère, ne devrions-nous pas apprendre à communiquer entre nous, à collaborer entre nations, entre familles, entre humains ?


On y est : Premier Contact est bien un film de SF, mais c’est avant tout un film profondément humain. Si la rencontre d’une espèce étrangère est un événement mondial, c’est uniquement à travers le point de vue du personnage de Louise qu’elle nous est racontée. On y suivra donc cette double narration de l’arrivée des aliens sur Terre d’une part, et de l’histoire beaucoup plus personnelle de l’héroïne d’autre part. Ici, la SF n’est pas une fin en soi, mais elle sert de cadre à un drame plus intimiste, dans lequel ces deux histoires se répondent de manière très construite. Elles se servent l’une l’autre pour développer une intrigue à la fois complexe et pleine d’émotion. Une émotion assez forte mais tout de même dans la retenue. Villeneuve ne fait pas l’erreur de tomber dans le larmoyant et garde, au contraire, une certaine pudeur qui ne fait qu’accentuer le côté mélancolique, à la fois triste et plein d’espoir, de son long-métrage.


Pour toutes ces raisons, Premier Contact est davantage à rapprocher d’Interstellar. C’est un film travaillé, cohérent, qui raconte et nous interroge tout à la fois. De part son côté sobre et intimiste, il n’a pas le souffle épique et grandiose du film de Nolan, mais il affiche des ambitions similaires et hautement supérieures aux productions actuelles.


Un film complet qui plaira donc au plus grand nombre, mais véritablement incontournable pour tous les fans de SF. En effet, Denis Villeneuve ne nous oublie pas et nous promet également une réflexion, pas forcément originale, mais approfondie sur un concept de physique bien particulier. – et que je ne dévoilerai pas ! Ça serait gâcher le plaisir – Il nous offre ainsi une nouvelle façon d’appréhender le monde, et remet en cause nos lois et notre compréhension de l’univers, nous posant la question de ce qu’une telle découverte provoquerait dans notre vie quotidienne. En tant qu’amateur du genre, le film a parfaitement répondu à mes attentes, et si on regrette un peu que le scénario se dévoile aussi rapidement en raison des (trop) nombreux indices qui nous sont distillés tout au long de l’histoire, c’est un quasi sans-faute.


Avec son ambiance finement travaillée, son scénario captivant, riche en émotions et plein de réflexion, Premier Contact redonne ses lettres de noblesse à un genre, la SF, qui a tendance à se perdre un peu dans le paysage cinématographique. Bien sûr, c’est un bon divertissement, mais il ne se contente pas de cet objectif unique. Premier Contact interroge. Il affiche l’ambition d’un Interstellar et la sobriété d’un Moon, trouvant ainsi sa place parmi les vrais bons films qui savent capter l’essence de la science-fiction, et réaffirmant du même coup le talent d’un réalisateur dont on attend désormais le prochain Blade Runner 2049 avec impatience, confiance et enthousiasme.

Gilraen
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le 2 nov. 2016

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