Undone
Undone

Album de Freddy Koella (2011)

À moins d'avoir vécu les années 80 perdus au fond d'une grotte ou cloîtrés dans un monastère, vous avez forcément déjà entendu Freddy Koella.
Au sommet du top 50 de novembre 84 se hisse un single bien franchouillard et très typique de la variété de ce temps-là, je nomme "Femme libérée" de Cookie Dingler.
Je sais, le pitch commence très mal et beaucoup ne liront pas plus loin. Les autres, ceux qui ont entendu le groupe en live avant la sortie de l'album, ou sont allés les voir grâce au single, continueront (peut-être) un peu plus loin. Car sur scène ce fut une tout autre histoire, le groupe se faisant alors un malin plaisir à faire la nique au producteur avec un rock dur et pouilleux qui cogne vite et fort, du blues râpeux et imbibé de Bourbon et un folk déjanté et trash (déjà!).
Je me souviens entre autres d'une reprise de "Memo From Turner" (chanson extraite du film Performance avec Mick Jagger) et du solo phénoménal de Freddy au sitar afghan, ou encore d'un Wild Things surgit d'outre-tombe laissant tout le monde sur le carreau, le tout dans une ambiance foutraque et bordélique. La plupart des "nouveaux fans" furent pour le moins déboussolés, voire même écoeurés (j'en ai vu quitter la salle!!).

Être un artiste libéré, tu sais c'est pas si facile. Bref, le groupe n'était pas fait pour durer. Trois petits tours et puis s'en vont: Christian, le chanteur, poursuit sa carrière avec une troupe de théâtre alsacien (la Choucrouterie, pour ceux qui connaissent) et Freddy devient musicien de studio. Il accompagne quelque temps des sommités de la variété française puis part s'installer à la Nouvelle Orléans. C'est là qu'il est repéré par Zachary Richard qui va le prendre sous son aile.
The Times They Are A Changing... Au fil des ans le gaillard, bourru et timide comme les paysans de chez nous, se taille une solide réputation et devient un guitariste très demandé outre-Atlantique. Il accompagne en tournée des artistes aussi prestigieux que Willy Deville qu'il côtoiera pendant 12 ans, Kenny Edwards, notamment sur le sublime "Resurrection Road" et - à partir de 2005- Bob Dylan qu'il accompagne encore aujourd'hui.
Pardon, mais ça vous pose l'homme, non?

"Undone" est son deuxième album solo et pour le coup entièrement instrumental (le premier, datant de 2005, n'est plus disponible depuis longtemps). Il est à l'image du bonhomme: simple, sans prétention, se refusant à toute démonstration virtuose, poétique et généreux. C'est tout.
Il est accompagné par Jay Bellerose à la batterie et David Piltch à la contrebasse.
On est là dans le registre blues/jazz/folk aux influences cajuns très marquées par moments.
Des blues purs avec Trio et ses subtiles ruptures et Walking in G qui fleure bon la Louisiane avec sa rythmique au washboard. Plus jazzy, Elephant laisse éclater le talent exceptionnel des musiciens qui l'accompagnent, particulièrement Bellerose et son jeu fin et inspiré.
L'osmose est parfaite dans ce trio, chacun étant au service de l'autre, sûr de son jeu sans que jamais aucun ne tire la couverture à soi.
Snow, un titre composé en hommage à la chanteuse Lhassa décédée en 2010, Calling You, Raining Day in L.A et surtout le sublime Covington nappé d'un accordéon langoureux, sont des ballades d'une très belle poésie dans des climats à chaque fois forts différents.
L'artiste s'attarde délicieusement sur chaque note, car il a besoin de temps et d'espace pour rêver.
Cet album n'est pas fait pour les gens pressés. Tout le secret de sa réussite est sans doute là, dans sa faculté qu'il nous offre à nous affranchir du temps et à ouvrir en nous de grands espaces de rêveries.

Quand les dernières douces notes d'Undone se dispersent, on n'hésite pas à poursuivre cet agréable moment de sérénité en réécoutant l'album encore et encore.
Je suis sûr aussi qu'elles montent tout là-haut, au paradis peut-être, où le visage de Willy s'illumine de son éternel sourire latin. Il est ravi, comme nous.
DanielO
9
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le 15 sept. 2013

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DanielO

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