Il est de ces groupes complexes à aborder dans une chronique ; des projets tentaculaires aux définitions changeantes, des entités sombres bordant l'indéchiffrable ou des monuments obligeant à marcher sur des oeufs. Portrayal of Guilt ne fait partie d'aucune de ces catégories mais rend tout de même éprouvant l'exercice de la plume (ou du clavier, vous aurez saisi). Jugez-en par vous-mêmes.


Le groupe texan n'est pas exactement votre projet classique de screamo revêche et nerveux. Caractérisé par une approche hautement orthodoxe, Portrayal of Guilt se distingue également par un line-up comportant un musicien dédié au sampling et aux effets électroniques. Leur évolution musicale en porte évidemment les marques. En 2017, leur première démo, éponyme, célébrait un screamo vengeur et poisseux. Véritable leçon dans le genre, la démo de trois titres promettait le meilleur, notamment avec le déjà culte "The One" et un chant particulièrement agressif et rugueux.
Le groupe a ensuite sorti son premier album, "Let Pain Be Your Guide" avec un grand succès critique et populaire (autant que faire se peut dans la niche qu'il occupe). Pourtant, ce disque m'avait laissé sur ma faim. Fruit d'une hybridation dense avec l'esprit du black metal, des touches provenant des univers connexes du hardcore et une sensibilité marécageuse sludge ; l'album jouait à fond la carte de l'expérimentation et du projet artistique complexe. Sauf que du haut de ses 22 minutes, il gagnait en expérimentations ce qu'il perdait en efficacité. De trop nombreux interludes nuisaient à l'intensité et la cohérence dont il avait besoin et lui conféraient un arrière-goût d'ébauche.
Puis PoG a multiplié les EPs, splits et singles pendant deux ans. Des sorties diverses mais qui pointaient vers la même observation : le groupe jouissait d'un talent de composition indéniable, mais se perdait bien trop en bricolages et errances sonores moins marquantes. Ce qui aurait pu faire un album impeccable était en fait dispersé sur plusieurs sorties.


Et comme toujours c'est au deuxième album de répondre à ces interrogations. "We Are Always Alone" a l'énorme responsabilité de confirmer le groupe et de prouver leur capacité à la cohérence.
Dès le morceau introductif, PoG reprend la recette gagnante avec un riff sale et ronflant sur lequel se déchaîne une voix limée et amère. La voix est plus corbeau et revancharde que jamais et l'impression vénéneuse ne fait que se renforcer avec de très nombreux passages en mid-tempo sur lesquels se déverse une basse sourde. La batterie est également hallucinante de variété et de puissance, entre des touka touka forts à propos sur "Masochistic Oath" ou un blast-beat furieux sur "Garden of Despair".
Seule ombre à la première écoute : les deux premiers morceaux se finissent subitement par des outros d'une quinzaine de secondes, atmosphériques et menaçantes mais qui nuisent encore à l'immersion et à la fluidité du disque.


Mais alors que j'en viens à ruminer sur le manque d'immédiateté des premiers morceaux, "It's Already Over" vient me cueillir avec ses couplets assassins et ses textures hantées. Et avec lui les morceaux suivants puis, à la fin du dernier, un retour instantané au début du LP pour une seconde écoute. Brique par brique, titre par titre, c'est un album d'une consistance vertigineuse qui se construit à mes oreilles. Pour 26 minutes, l'écoute de "We Are Always Alone" est un voyage malsain et sépulcral rythmé par les éructations de Matt King et les descentes de toms de James Beveridge.
Ce deuxième opus est la déflagration rigoureuse et consistante que j'attendais de PoG. En plus d'être une masterclass en matière de gestion de l'intensité et de plans vicelards, c'est probablement l'album qui offre la plus proche cohabitation entre l'agression urgente du screamo et les cauchemars du black metal.
Mais c'est également un disque qui prouve que le revival screamo a tout pour ne pas se cantonner à une niche et est à même de redorer le blason d'un style encore trop encombré de clichés.


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le 9 févr. 2021

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Raton

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