Décidément, Echo and The Bunnymen aime tendre le bâton pour se faire battre. Après avoir fait paraître l'album le plus pantouflard de leur carrière, ils reviennent deux ans plus tard avec un nouveau disque intitulé "Que vas-tu faire de ta vie ?". Quelle blague ! A cela, ajoutez les interviews et déclarations fracassantes de Ian McCulloch, n’ayant rien à envier aux bazookas à punchlines que sont les frères d’Oasis, vous obtenez un groupe dont la reformation laisse songeur.


A un détail près, What Are You Going to Do With Your Life? est loin d’être mauvais. Mieux que ça, c’est leur meilleure sortie depuis Reverberation et c’était il y a neuf ans ! La différence stylistique avec Evergreen est pourtant inexistante. Les Bunnymen ont renoncé au post-punk il y a très longtemps, car ils exercent désormais une britpop orchestrale, romantique et parfois psychédélique. Bon, le retour du psyché sera pour plus tard. Pour l’instant, c’est bien la facette douce et mélancolique de cette bande qui est mise en valeur. Une facette qui alourdissait nos paupières sur un prédécesseur au succès commercial guère mérité.


Sauf que cette fois-ci, les chansons de ce disque sont meilleures.


Bien entendu, il faut se mettre définitivement dans la tête que le Echo and The Bunnymen des années new wave et celui du retour de 1997 n’ont rien à voir. Ce sont deux groupes différents et le line-up le prouve aisément. De la formation originale, il ne reste plus que le chanteur à la grande gueule et son guitariste taciturne. Les Pattinson est sur le départ puisqu’il ne participe qu’à un seul morceau (« Fools Like Us »). Ce dernier étant lassé pour des tas de raisons, notamment de la mainmise de McCulloch sur la direction artistique (mais le bonhomme exprimait déjà son épuisement vis-à-vis de l’industrie musicale dans les années 1980). Surtout qu’il avait raison le bougre ! Parce que What Are You Going to Do With Your Life n’est pas réellement un album de Echo, c’est une œuvre solo de son vocaliste liverpoolien. Les souvenirs frustrants de Will Sergeant concernant son enregistrement le confirment amplement. Sa guitare étant discrète puisque Ian considérait qu’elle n’avait pas sa place sur plusieurs titres.


Seulement, est-ce une raison valable pour dénigrer cette parution souvent mise de côté par les amateurs des Lapinous ? Évidemment que non. Le Mac a le champ libre pour y étaler tout son talent. Car en dépit du très beau « Nothing Lasts Forever », Evergreen nous avait fait oublier à quel point il est un immense chanteur. Forcément, si les compositions n’avaient pas été aussi soignées, sa performance aurait été vaine. Cependant, l’inattendu se produit. Ce gros prétentieux irradie de charisme, d’élégance et il devient même bouleversant (les quatre premières pistes sont remarquables, toutefois, « Get in the Car » est sans doute la plus magistrale du lot). « Lost on You » se détache avec son rythme primesautier sans paraître niaise grâce à cette voix incroyablement expressive. Même la sobriété de certains moments, pouvant faire basculer cette musique dans l’ennui (le morceau titre et « History Chimes »), intrigue et ne laisse pas indifférent.


Donc à défaut de retrouver une formation essentielle, on redécouvre une voix formidable. Un chant ayant énormément changé depuis les 80s. Moins rugueux et grandiloquent qu’auparavant. Mais plus doux, émotionnel et mature aujourd’hui.
Et si la rythmique se cantonne toujours à une batterie plan plan (les deux dernières chansons, moins passionnantes que le reste), on en reste, pas moins, heureux d’être accompagné, pendant trente-huit minutes, d'un crooner ayant retrouvé une partie de son inspiration divine. Il a donc su quoi faire avec sa vie : ce qu’il a perdu en énergie juvénile, il l’a gagné en classe adulte. C’est sûrement ce qu’on appelle l’expérience forgée par les épreuves de la vie.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 25 janv. 2018

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