chronique écrite en 2010...


Grande nouvelle, les formidables Dirge sortent leur nouvel album ! Je vois déjà les foules faisant le pied de grue devant les disquaires pour acquérir la précieuse galette et s'arrachant les dernières places de concerts disponibles. Plus tard dans une tournée à guichet fermée, les jeunes femmes ne pouvant réfréner un violent désir érotique devant les prestations impeccables de leurs idoles, 'enlèvent leur tee shirte et font tournoyer les soutiens-gorges dans un moment d'hystérie collective peu commune. Leurs copains, bien que jaloux devant telle démonstration sexuelle, ne peuvent que s'avouer vaincus et acquiescer devant le charisme quasi animal du groupe sur scène. ....Bon, on a bien fantasmé ? On peut revenir à la réalité ? Et découvrir un groupe venant de Rouen et signé sur le petit label associatif Another Record dont le travail pour la musique devrait être reconnu d'utilité publique. Quelle fossé entre le fantasme et la réalité elle-même, triste et implacable ! On en serait presque amusé - d'un rire jaune - d'autant plus quand on sait que le leader de Dirge s'appelle Yann Lafosse. Et pourtant après l'exploit d'un album quasi parfait (Rebecca, à la limite du post-rock), Dirge récidive avec un Where (no one has a name), tout aussi essentiel tout en étant plus facilement abordable. D'où, ce délire de début de chronique...Ce nouvel opus contient même deux titres imparables mêlant esprit rock et mélodie touchante : 8 AD et She said, deux grands titres grandiosement fiévreux qui témoignent de toute l'ambivalence du groupe, capable de diffuser une énergie puissante sur des accords noises tout en y infusant une fragilité exacerbée. Ce groupe là est fin, subtil et montre toute l'étendue de son talent dès le morceau d'ouverture.


Comme pour Rebecca, cet entame intitulé love/song est bel et bien le grand moment du disque : un titre long, complexe et progressif qui résume tout l'univers des Rouennais. Dans le monde de Dirge, les guitares s'accouplent avec une trompette et flirtent avec un violon dans une fusée à plusieurs étages qui se découvre petit à petit. En fin, ce sera un autre temps fort d'émotions contraires baties sur un terrain bancal avec une richesse renversante. Le groupe a intégré les apports du post-rock, perpétue le spleen de Swell (magnifique folk sur you run, 19 whispers) et My brand new heart) mais se recentre dans le giron de la pop. Les titres sont tristes, touchants, profonds mais leur noirceur n'est jamais plombante. Au contraire il y a là une énergie vitale qui élève les corps et les esprits. Avec Dirge, les choses ne restent jamais au niveau du sol mais prennent de la hauteur dans une frénésie contrôlée. Dirge arrive à se montrer délicat même quand il fait trembler l'atmosphère avec des guitares et saturées, même quand Yann crie au paraxysme de sa douleur "Motherfucker, I hate you" (My new ennemy, la fameuse fin bouleversante de l'album). Ce groupe a un vrai potentiel commercial, si tant est que le bon goût soit une vertu largement partagée (ce qui est moins sûr). Je me verrais bien faire le pied de grue, transformé en homme sandwich pour faire de la publicité (vilain mot) pour Dirge. Je me verrais bien déchainé en concert, tout en gardant - je rassure les pudibonds - toutes les pièces de mes vêtements. Oui je me verrais tout à fait, devrais-je être le seul pour inciter tout le monde à écouter ce groupe....Dernière nouvelle, après 10 ans de musique, Dirge s'arrête et cet album est donc posthume. Adieu monde cruel...

denizor
9
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le 3 sept. 2015

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