Lâcheté et mensonges
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Il y a 40 ans, occupés que nous étions à absorber les torrents de nouvelle musique qui déferlaient sur nous à cette époque d'intense créativité, ce fut assez facile d'ignorer Jad Fair et son Half Japanese : pas assez punk certainement, pas assez différent peut-être, cette musique bizarre fut qualifiée de dispensable. En 2018, alors que Half Japanese sortent leur seizième album, "Why Not?", il est plus que pertinent de s'interroger sur la résilience d'une telle musique, à peu près inchangée ... si ce n'est qu'on pourrait affirmer que les musiciens "ont, depuis, appris à jouer", ou, au moins, à accorder leurs instruments !... Non que Jad Fair soit devenu pour autant un "professionnel", puisqu'il s'ingénie toujours à passer pour un naïf, un ingénu, voire un primitif : les plus belles chansons de cet album sont celles qui parlent d'amour de la façon la plus "fleur bleue" qui soit (la paire "Magic" et "Falling", qui concluent l'album d'une touchante manière...). Tandis que les plus excitantes sont celles qui parlent de monstres sur un arrière-plan de rock garage intemporel ("Zombie Island Massacre")... Comme si les unes et les autres étaient écrites et chantées par un adolescent de 18 ans paré de toute la sagesse d'un octogénaire, et qui aurait décidé de sourire à la vie.
Alors, régressif, Half Japanese ? Peut-être, mais alors comme un Daniel Johnston qui aurait recouvré un peu de son équilibre mental sans en perdre pour autant sa capacité à nous toucher au cœur. On peut aussi penser à un Art Brut en version unplugged, qui aurait troqué l'auto-dérision so british pour une ironie lunaire. Ou, bien sûr, à cause de cette voix gouailleuse, à des Violent Femmes lassés du second degré et de l'énergie débridée.
Il faut bien avouer que tout sur "Why Not?" n'est pas du niveau de l'excellente "Bring On the Night", par exemple, et que pas mal de chansons ont un petit côté trivial, voire facile, qui empêche qu'on se sente franchement passionné. La routine ? Trop d'albums ? L'épuisement de la créativité, ou bien simplement, de la rage de convaincre ? D'un autre côté, tout cela n'est pas très grave, et n'empêchera pas le plaisir vaguement dilettante qu'on prendra à écouter cette musique aussi décalée que foutrement sincère. Justement décalée parce que sincère, en fait. Et pourquoi pas ?
[Critique écrite en 2018]
Créée
le 1 févr. 2018
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