A.M.
6.8
A.M.

Album de Wilco (1995)

Je crois que j'ai un peu trop vite relégué ce premier album de Wilco au rayon des déceptions inévitables. Après tout, les groupes capables de pondre un premier album fantastique sont une denrée rare, le premier disque d'un artiste ressemblant le plus souvent à l'ébauche hésitante d'un style en devenir. C'est donc quasiment par réflexe que j'ai rangé A.M. dans la catégorie des premiers albums décevants et sans grand intérêt. Il faut dire qu'il est difficile de passer après l'écoute de Yankee Hotel Foxtrot ! Et pourtant, quand on essaie de dépasser l'aspect roots et brut de décoffrage d'A.M., on découvre déjà une sensibilité à fleur de peau qui caractérise tant la musique de Wilco.


A.M. est donc loin d'être un album inintéressant et sans identité, il est même plutôt révélateur et rafraîchissant après avoir écumé les chefs-d’œuvres que sont Yankee Hotel Foxtrot ou Sky Blue Sky. On comprend mieux l'évolution du groupe, et on apprécie les origines, les influences, les inspirations et la démarche musicale qui part ici du fondement même et de la raison d'être de Wilco : l'americana dans ce qu'il a de plus pur, une musique roots, qui puise aussi bien dans la country que dans le rock'n'roll avec ici un traitement des plus basiques et assez rock, guitares électriques mises en avant et chansons simples et concises.


Détail parlant : une seule chanson dépasse les trois minutes. On est donc loin du traitement original que le groupe va développer par la suite pour transformer son americana en musique touchante et lumineuse. Mais le résultat, sans être transcendant, n'est franchement pas mauvais, à l'image des titres rock et punchy que sont I Must Be High et Casino Queen. C'est un peu répétitif, mais non dénué d'énergie positive. Si l'on devait toutefois se contenter de cela A.M. resterait juste moyen, ce qui peut expliquer la déception que j'ai eue vis-à-vis de l'album après les premières écoutes : l'ensemble dégage un monolithisme redondant.


Heureusement, en creusant un peu, quelques lueurs apparaissent au détour de certaines chansons, et on découvre déjà le penchant de Wilco pour la mélodie, le groupe étant capable d'infuser une sorte de blues et de mélancolie dans une musique a priori bien codifiée et peu propice aux émotions pareilles. Je crois que c'est le moment où j'avoue que l'americana a tendance à me barber : j'ai tendance à ranger ce genre dans la catégorie des musiques à papa avec le jazz, les crooners et la variétoche à la Carpenters. Si j'aime tant Wilco c'est pour sa capacité à transcender le genre en lui conférant une véritable sensibilité.


Ce n'est pas encore vraiment le cas sur A.M. mais il y a donc quelques lueurs d'espoirs, à l'image du rythme plus lancinant de Shouldn't Be Ashamed, de Should've Been In Love, de Passenger Side et de Blue Eyed Soul, ou de la slide lumineuse de I Thought I Held You et de It's Just That Simple. Il suffirait de pas grand chose pour amener ces chansons vers de plus hautes sphères : une petite rupture, des arrangements plus aventureux, une étincelle de génie... Autant d'éléments que le groupe amènera par la suite, dès le disque suivant, Being There, et que l'on peut tout de même percevoir sur le véritable bijou d'A.M., le sublime Dash 7, tout en douceur et guitare acoustique.


J'ai donc redécouvert ce premier album de Wilco et si son plus grand défaut reste son classicisme americana un peu trop prononcé, trop rock premier degré, et il n'en demeure pas moins intéressant et recèle quelques bons moments qui valent la peine de se pencher dessus. Après, remis dans la perspective de la discographie du groupe A.M. reste sans doute le disque le plus faible de Wilco. Plus qu'une critique, c'est surtout le signe d'une qualité assez étonnante de la part de ce groupe.

benton
7
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le 13 sept. 2016

Critique lue 151 fois

benton

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