Black Unity Trio – Al Fatihah
Celui-ci on peut dire qu’il y a un sacré bout de temps qu’il était dans ma liste d’attente, le genre d’album presque impossible à dénicher. Pensez ! Cinq cents exemplaires diffusés en 1969 et c’est tout ! Heureusement, le temps, qui prend son temps, a mis fin à l’attente et une réédition est sortie, enfin, en vingt-vingt ! Par chance j’ai chopé le dernier exemplaire au Souffle Continu, mais l’album doit encore se trouver, sorti à 2000 exemplaires numérotés, il est cher, quarante boules ! Un bon plan : si le Père Noël passe dans vos parages, glissez-lui un petit mot.
En face du prix il faut dire qu’il y a du répondant, un travail qui commence à partir des bandes originales, c’est là le meilleur point de départ et, si on y ajoute le nec plus ultra de la technologie actuelle on aboutit à un résultat très supérieur, en définition du son, à l’édition originale, laissant entendre des détails inaudibles à l’époque. Ça ne remplace pas le sentiment de toucher de ses mains l’histoire de la musique en serrant une édition originale, mais c’est tout de même un grand plaisir et une grande satisfaction.
Il y a également une belle pochette gatefold en gros carton épais, une sous-pochette anti statique haut de gamme dans laquelle se glisse le vinyle noir de cent cinquante grammes et un gros fichier à télécharger, deux « gigots » trois en wav … L’essentiel des bénéfices est reversé aux membres du groupe qui sont toujours avec nous.
La pochette est extrêmement intrigante, des symboles musulmans et le nom de l’album « Al-Fatiha » qui est la sourate d'ouverture du Coran, le livre sacré. On retrouve les accents de la « spiritual music » héritée de John Coltrane bien que ce dernier soit catholique, comme quoi, c'est la foi qui fait foi.
C’est un trio, Abdul Wadud est à la basse et au violoncelle, Yusuf Mumin au saxophone alto et Hasan Al Hut aux percussions, seul le premier connaîtra une carrière de musicien professionnel. Yusuf Mumin alias Joe Phillips enregistrera cependant l’album « Burn Baby Burn » aux côtés de Norman Howard à la trompette en 1968, qui, cependant, ne paraîtra qu'en 2007, je vous en ai parlé page 58. Je vous avais fait part alors de mon engouement pour ce saxophoniste.
Cet enregistrement est un évènement par son existence même, puisqu’il est le premier enregistrement de free-jazz sorti de manière indépendante. On sait que Saturn, le label de Sun Ra a également sorti des albums artisanaux, mais ils n’étaient alors pas free. Celui-ci est enregistré très exactement le 24 décembre 1968, il y a cinquante-deux ans. Le temps de devenir une légende, particulièrement dans le cœur des collectionneurs, une sorte de Graal…