Même si ce fut involontaire de leur part (comme toutes les influences), on ne remerciera jamais assez l’impact qu’a pu avoir The Verve sur la scène Américaine du shoegaze. Bien entendu, je ne fais pas allusion à (l’excellent) Urban Hymns. Mais au formidable A Storm in Heaven. Tellement formidable qu’il a causé une émulation de créativité de l’autre côté du globe. Que ce soit au Canada (Southpacific et Sianspheric) et aux États-Unis (Bethany Curve, Colfax Abbey ou encore Auburn Lull).


Seulement, parmi tous ces exemples enthousiasmants, quelle œuvre pourrait incarner le mieux cette réponse ricaine au space rock British des années 1990 ? Je répondrais, du tac au tac, celle des Texans de 7% Solution.


D’ailleurs, je ne crois pas me tromper en affirmant que leur premier album avait pour ambition de talonner les Verve en créant la musique la plus psychédélique, la plus planante et dense qui soit. Qu’est-ce qui me fait dire ça ? C’est comme le Port Salut, c’est marqué dessus. All About Satellites and Spaceships peut sembler être un titre prétentieux. Cependant, je suis certain que toute votre appréhension s’envolera (dans les cieux) à l’écoute de son introduction.


Les disques dont les premières notes me collent des frissons sont rares. Et celui-ci fait partie de cette précieuse catégorie. Quelques accords de guitare aériens résonnent dans une jolie réverbération pendant que des messages radio d’astronautes nous parviennent aux oreilles. C’est simple, minimaliste même. Toutefois, il n’y avait pas de meilleur moyen pour débuter un album destiné à être une bible du space rock.
L’enchainement avec « Built on Sand » est non seulement un extrait représentatif des qualités de cette formation (batterie impressionnante d’inventivité, atmosphère puissante, guitares mélodiques et voix fantomatiques) mais également un hymne. Cette alternance entre un majestueux mur sonore et des instants quasi-ambient, inspirée du post-rock et avant que cela ne devienne une norme, rend ce morceau époustouflant. Une entrée en matière qui sera de nouveau égalée dans un registre similaire (« Happy? » et « The Air Bends Sunlight » ) ou non (« Revolve » et son break instrumental invoquant le spectre de David Gilmour avant de s’achever dans un final saisissant).


Comme souvent avec les meilleures sorties du shoegazing, cette capacité à atteindre des sommets avec facilité est due à la complémentarité exemplaire des musiciens. Scott Sasser est un batteur d’une rare intelligence. Ses interventions sont dosées à la seconde près. A aucun moment démonstratif, il est là pour faire chavirer ses longues plages tranquilles afin de les dynamiser. En provocant des montées d’intensité tribales, il nous fait décoller dans le cosmos pendant que Reese Beeman utilise sa voix à l’instar d’un outil d’ambiance.
Les guitares, elles, s’occupent des mélodies. Inspirées des arpèges éthérés de certains groupes des années 1980 tel que The Church, elles sont d’une telle légèreté qu’elle vous feront toucher les étoiles sans sourciller. Tout en étant suffisamment mémorables et addictives pour donner envie de replonger dans cette machine à s’évader qu’est l’entité 7% Solution.


Pour ne rien gâcher, cette bande a plusieurs cordes à son arc. Aussi bien douée pour écrire une belle chanson pop (« The Road and the Common ») qu’un instrumental digne de la BO d’un film de SF (« Your Kingdom, Your World »). Leur maîtrise des textures sonores est telle qu’elle peut se montrer émouvante (le magnifique « Blindshore ») et quand survient « The Sky Suspended », nous sommes tristes. Non pas que cette conclusion soit décevante, mais parce qu'elle marque la fin de cette odyssée spatiale qu’est All About Satellites and Spaceships.
Une odyssée dont on ne revient pas indemne. Le groupe, lui-même, ne s’en remit jamais et préféra explorer d’autres contrées atmosphériques tant ce disque demeure un jalon pour tout un style.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 8 oct. 2017

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Seijitsu

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