All That Was Promised
7.5
All That Was Promised

Album de Hath (2022)

Penseurs éphémères d'un temps décharné, vous daignez sortir de vos catacombes poisseuses pour humer l'air chargé de goudron et de suie, cet air épaissi par ces lendemains pourris. Le temps est devenu une cataracte sale dont les débris se sont congestionnés dans l'oubli. Le chaos a pris forme en un crâne ancestral qui trône dans l'amphithéâtre des forêts écorchées. Personne ne vous a tenu la main, car les membres tendres sont phagocytés, et les songes évaporés. Seuls, vous restez à contempler le néant qui se tend.


En particules de son projetées dans l'astre de nos sens éveillés, le blackened death metal de Hath tonne de nouveau. Rivalisant de férocité avec les démons tapis parmi les ombres de Lovecraft, dans les antres du New Jersey résonne des hymnes funestes. Tout ce qui était promis, enfin dévoilé dans ses miasmes et ses grandeurs. Car en dehors de l'imagerie nécrosée et de la spirale décadente dans laquelle il nous convie, Hath est plutôt un rejeton du grandiose, fruit d'une épique épopée divine menée à son paroxysme lyrique. Tenu et tendu comme une lance de feu solaire, l'efficacité et la compacité de ce second opus écrasent en tout point des débuts pourtant si puissants.


Deux années seulement après le terrifiant "Of Rot and Ruin", Hath peaufine avec intelligence et détermination une formule imparable : fournir du riffing mémorable dans un corps mélodique sans faille, avec une hargne et une sauvagerie de tout instant. Un peu à l'image d'un Behemoth protéiné au melodeath scandinave et au prog macabre façon Opeth d'antan, muni de petites décadences dissonantes qui nous remémorent les spectres d'Ulcerate ou d'Immolation (dans ses mid-tempos martelés de double bass drum), Hath larde la foule dans une musique multi-facette dont l'exploit de richesse rivalise avec sa digestibilité exemplaire.


Rien n'est statique ici, tout évolue et mue dans une progression cohésive et expansive. Chaque titre frappe terriblement fort, sans qu'il n'y ai même besoin de renforts symphoniques ou d'arrangements alambiqués. Quelques passages acoustiques s'impriment en intro ou en outro ça et là, mais le cœur de la bête est distordu, galopant entre des blast-beats tentaculaires et des tremolos-pickings veineux, et porté par un mémorable chant, tantôt hargneux ou caverneux. La production ultra-lechée, signée par l'adroit batteur du groupe AJ Viana, apporte la viscéralité nécessaire à la musique de Hath, qui navigue dans des eaux pourtant usées.


Chaque titre coule limpidement et démembre nos émotions en particules brûlantes. Du titre déjà pharaonique qui ouvre l'album, The Million Violations, au morceau-pivot Decollation (un état de l'art de l'efficacité d'un blackened death alliant modernité et honneur aux anciens), en passant par le plus progressif Casting of the Self (dont les harmonies chorales rappelleront le meilleur d'Alkaloïd, comme sur Kenosis aussi) ou le violent Death Complex, on saisit vite la magnificence à l’œuvre. Le triptyque Kenosis/Lithopaedic/Iosis est d'une efficience totale. Aucun filler, aucune pompe, tout est donné comme tel, avec professionnalisme et fièvre. Hath n'invente rien, mais agence à la perfection des bribes de diamants bruts, pour créer son propre collier d'opale incandescent.


Rapide, organique, nerveux et pourtant ultra généreux dans ses 50 minutes d'épique noir, All That Was Promised se ferme sur les méditations réverbérées de Name Them Yet Build no Monument, finissant de faire jaillir le jus originel d'un sourcier des âmes oblitérées qui prophétise la sécheresse prochaine des cieux. Car nombre de promesses seront bafouées dans ces lendemains incertains, aliénés et secs. Pourtant, certaines mélodies continuent de porter en elles les espoirs d'un monde à l'agonie. Hath détient la force, l'amour et l'aura nécessaires à ces guides qui épaulent les corps errants dans les tourments de l'humanité, et leur redonne un peu de force et de sens dans leur retour aux limbes.

FlorianSanfilippo
8

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Créée

le 8 mars 2022

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