Audio, Video, Disco.
6.4
Audio, Video, Disco.

Album de Justice (2011)

Le blues de David Lynch et la techno-house de Justice n’ont a priori rien en commun. A ceci près que ces artistes proposent via Crazy Clown Time et Audio Video Disco une vision inédite de leur style. Le premier en piochant dans l’électronique contemporaine, les seconds en se tournant au contraire vers leurs jeunes années, celles du hard FM notamment. Des alchimies curieuses qui ont produit des albums joliment anachroniques.

Justice a su profiter il y a quelques années d’une baisse de régime de Daft Punk pour imposer un album opportuniste (on se souvient du clip « banlieue style » de « Stress ») salué par à peu près tout de monde. Courageusement, Gaspard Augé et Xavier de Rosnay, ont choisi, pour cette suite très attendue, de remonter dans le temps plutôt que de creuser un sillon qui semble les avoir déjà lassés. Les deux français ont ainsi reprogrammé leur musique en l’inscrivant dans une époque qu’ils connaissent à merveille, symbole de leur enfance : celle des génériques du Club Dorothée, des hymnes en plastique et des guitares métal qui dégoulinent. Contre toute attente, Audio Video Disco donne un vrai de coup de fouet à leur son, à présent beaucoup plus personnel. Cette réussite tient à un paradoxe temporel : sur le fil entre mélodies glorieuses, mauvais goût affiché des eighties (claviers désuets, chœurs kitsch, guitares baveuses) et beats explosifs d’aujourd’hui, la musique de Justice trouve un équilibre instable assez fascinant.

David Lynch, lui, reste fidèle en musique à ce que l’on attend de lui en matière de cinéma : l’étrange, la bizarrerie, c’est son rayon et logiquement Crazy Clown Time s’inscrit dans cette mouvance. C’est l’une de ses grandes qualités. Mais bien plus que cela, c’est un disque moderne : tandis que des guitares gavées de trémolo et de réverbérations déploient une tonalité sombre et indolente, typiques du blues, s’immiscent des boucles sonores inquiétantes, des voix tour à tour androïdes ou hallucinées qui nous conduisent dans un drôle de monde, où se côtoient l’ancien, le traditionnel, et l’avant-garde. La section rythmique est à l’avenant : souvent nonchalante, pesante, elle sait aussi donner des impulsions surprenantes dès qu’elle se teinte d’électronique.

Dans Crazy Clown Time et Audio Video Disco les repères temporels sont brouillés. Ce sont par conséquent deux disques un peu inconfortables que la critique, indécise, s’est contentée de noter moyennement. Sacrée injustice pour des artistes qui ont su créer, en associant la musique de leur jeunesse et celle de notre époque, deux œuvres uniques.

Francois-Corda
7
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Créée

le 17 sept. 2018

Modifiée

le 11 juin 2024

Critique lue 113 fois

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François Lam

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