Franchement, voilà l’exemple typique du très bon groupe qui s’est trompé d’époque. Je suis sûr que dans les années 70, il aurait cartonné ! Ce groupe s’est formé en 1989 à San Francisco autour de deux potes, Andy Sturmer (batterie, chant) et Roger Manning (clavier et autres instruments). Ils étaient accompagnés de Chris Manning (basse) et Jason Falkner (guitare, basse) qui sont partis après ce 1er album paru en 1990. Ils ont enregistré ce premier album « Bellybutton » aux Schnee Studios à Hollywood avec le producteur Albhy Galuten, connu pour son travail avec les Bee Gees sur « Saturday Night Fever », et l'ingénieur Jack Joseph Puig (U2, Green Day, John Mayer, Black Crowes… !). Autant dire que ça sonne sans jamais devenir mièvre ou doucereux. C’est comme si Sturmer et Manning avaient ingurgité tout ce qu’ils avaient entendu gamins à la radio, Beatles, Beach Boys, Wings, Hall & Oates, Mamas and the Papas (pour les chœurs), Supertramp, 10CC et on peut même penser aux Zombies (bien moins connus) de Colin Blustone et qu’ils en avaient fait leur propre musique. Les influences sont vastes mais on est donc au royaume de la mélodie pure et ultra léchée sans jamais céder à la facilité, à l’ancienne, sans synthétiseur ni séquenceur, ce qui en 1990 était tout de même une sacrée anomalie ! Toutes ces influences s’entendent ici sans qu’aucune ne soit pour le moment trop écrasante.
La voix juvénile de Sturmer est parfaite pour le genre et les morceaux défilent dans un ordre savamment étudié où se côtoient la mélancolie (« The Man I Used to Be » sur l’absence du père), des tempos plus enjoués (« The King is Half-Undressed », excellent single, "All I Want is Everything"), de la pop pur sucre (« Baby’s Coming Back » irrésistible, impossible de s’empêcher de fredonner) jusqu’à une quasi rumba (« Bedspring Kiss » et son superbe écrin de cordes, avec harmonica et la contrebasse de John Patitucci). On reste bouche bée devant la perfection des compositions et le souci des détails, un son fabuleux, des mélodies qui feraient baver d’envie n’importe quel auteur-compositeur même chevronné et des harmonies vocales magiques. Tout y était et pourtant…on était en 1990 et la hard rock cartonnait (AC/DC revenait, Megadeth et Judas Priest sortaient un de leurs meilleurs albums…), le grunge pointait le bout de son nez avec Nirvana et Pearl Jam. Alors, le pop rock hyper efficace de Jellyfish semblait d’un autre temps. L’album a été un échec commercial, se faisant tout de même remarquer au Royaume Uni. Surtmer et Manning sortiront un 2e album en 1993, « Spilt Milk » avant de constater qu’ils n’étaient plus sur la même longueur d’onde et de jeter l’éponge l’année suivante. A la même époque commençait à Los Angeles, Venice (avec les frères et cousins Lennon) qui s’inscrit dans la même lignée, dignes héritiers des songwriters des sixties et seventies. Sauf que Venice lui, existe toujours en 2025 et même discret, reste adulé aux Pays-Bas. Il n’est jamais trop tard pour découvrir Jellyfish, passé inaperçu lors de sa courte période d’existence mais qui procure beaucoup de plaisir pour les amateurs et amatrices de bon rock ensoleillé et qui vous fait voyager illico sur la Highway 1 qui relie Los Angeles à San Francisco, au volant d’une décapotable et en galante compagnie! J’aime beaucoup.