Bien sûr que j'ai déjà fait tout ça : écrire des citations de chansons dans mon agenda, chanter un refrain qui semble parler de ce qui m'arrive, lire avec obsession des paroles qui semblent réunir les mots qui m'ont toujours manqués, me délecter de clin d'œil communs dans l'œuvre un groupe dont je suis fan. La familiarité, la connivence à travers l'art, rien que de très banal. Mais Kero Kero Bonito, c'est un peu plus que ça. C'est plus qu'un groupe. C'est plus qu'une connexion. C'est plus que des amis imaginaires. C'est la musique de ma vie. C'est moi tout craché. C'est ma génération.


Il aura fallu 27 ans donc pour y arriver. Pour rentrer parfaitement en résonance avec des inconnus, quelque part sur terre. Pour que tout réussisse à faire parfaitement sens. Pour que je sois frappé par quelque chose d'aussi neuf, d'aussi frais et d'aussi intime. J'avais Bonito Generation en moi mais je ne le savais pas. J'avais ces sons midi cheap tirés des Nintendo 64 de mon cœur, j'avais ces refrains acidulés qui se refusent à parler de choses aussi banales que l'amour ou la tristesse, j'avais cette candeur ultime qui emmerde le sarcasme et la mollesse, j'avais ce monde anglo-nippon arc-en-ciel qui scintille autour d'une chanteuse-meilleure pote qui saurait te rassurer de la plus amère des anxiétés. Toutes ces choses étaient cachées, endormies, elles n'attendaient que ça, de sortir, de s'exprimer. J'écoute cet album pour la première, trentième, millième fois et je me dis que je ne l'ai pas attendu depuis les singles de Built It Up ou Picture This, mais depuis le jour où j'ai mis un disque dans un lecteur CD en me disant "je ne vais plus pouvoir vivre sans musique je crois".


Ils sont un peu plus jeunes que moi, un an ou deux, mais bon sang, KKB me comprennent. Ils parlent de tout ce que je veux retenir de la vie. Les paroles sont délicieuses. Chaque phrase, je pourrais me la tatouer sur le corps, m'en faire un tee-shirt, un de ces posters d'inspiration qui pourtant me font d'habitude grincer des dents. Rien à foutre. Fraichement diplômé, j'écoute Graduation et je n'ai rien à dire de plus à part "oui". Parti de la maison parentale il y a quelques années, j'écoute Hey Parents et j'ai envie de le faire écouter à ma mère. J'envoie mon CV par mail et j'ai envie de mettre Try Me en pièce jointe. Tout est si "relatable", tout est si proche de ce que je vis à chaque instant, tout est ma vie, mon monde, mes cercles, mes occupations, le digital, l'analogique, le réel, le rêve. Et dans un enrobage sonique qui est l'ADN de toutes les ondes qui m'habitent. L'introduction de Picture This, c'est une madeleine qui transcende toute réalité et me transporte ailleurs. Ces sons, j'ai l'impression qu'ils sont le fruit de vies en parallèle, d'une culture pop intime en kaléidoscope où on a joué ensemble à Mario Kart et écouté des singles de House sans honte, et dieu que mon cœur est chaud de ressentir tout ça. Même pour un grincheux comme moi qui est "so over it" des guitares et du rock, je trouve dans le refrain de Fish Bowl une dream-pop-shoegaze de poche qui me fait fondre. Il y a ce break dans Trampoline (élu meilleur single de l'année), juste après un spoken word plus inspirant que tout au monde. Il dure 8 mesures. Il y a des claps, une mélodie limpide qui accroche au crâne et un piano yamaha 90's qui balance une de ces suites d'accords que j'aime tant, avec une descente harmonique ultra cheesy qui semble te faire des calins. J'ai l'impression d'être dans un rêve. C'est la perfection absolue. Je voudrais vivre là dedans.


Aucune envie de m'approprier quoique ce soit : tout le monde peut s'y retrouver. Il suffit d'avoir de la pop dans le coin de l'âme pour trouver chez KKB un havre de bonheur. Mais tout de même, ce constat : Bonito Generation parle de nos vies, à nous, les gosses des 90's. D'où on en est, le cul entre deux chaises, propulsé dans la machine à pourrir depuis bien longtemps maintenant. Mais pas de flash-back, pas de regrets, pas de craintes du monde adulte. Le futur, on y va d'un pas décidé, la pupille brillante, en se tenant par la main parce que tout seul, on est pas grand chose. Chez Kero Kero Bonito, toutes les décisions sont prises avec fierté. Même glander n'est pas un ressort passif mais une déclaration. C'est peut-être ce qui passera à côté des détracteurs de ce disque, trop choqués par tant de premier degré, de soi-disant "superficialité" (bonjour les armées de snobs) et de mélodies semblant sortir de Sesame Street : la dimension éminemment morale, quasi-politique de ce simple disque pop. Merde au renoncement. Merde à l'écrasement. Merde aux alarmistes. J'accepte mon monde tout entier et j'agis en son sein plutôt que de pleurnicher en périphérie. Changer les choses. C'est notre tour. Et c'est une fête. Et c'est "fun". Et quel bonheur d'être en vie mes amis, quel bonheur d'être en vie.

leaids
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le 3 déc. 2016

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