En 1987, Black Sabbath n’est plus maintenu à flot que grâce à Tony Iommi et vivote, oublié de (presque) tout le monde, refusant quand même de jeter le gant à terre. Le thrash metal lui, triomphe avec les Slayer, Pantera, Sepultura et même Metallica (avant le succès planétaire du Black album). Des groupes pris parfois dans une épuisante course à celui qui jouera le plus fort, le plus vite…Un groupe californien mené par le guitariste Dave Chandler, essaie, lui, de faire revivre le Sabbath des 1ers albums mais Saint Vitus arrive trop tard, bien trop tard, pour décrocher le moindre succès. Il n’est pas question de jouer la surenchère, au contraire, il faut jouer lourd et lent comme la bande à Ozzy à la fin des années 60 quand elle inventait à elle seule à côté des usines de Birmingham un genre musical. Saint Vitus n’est pourtant pas un novice dans le rock car un 1er album est sorti en 1984, un 2e date de 1985. Scott Weinrich, dit "Wino" n'est pas plus le chanteur originel de la formation. Il s'est dédoublé (le monsieur officiait déjà chez une autre référence du doom au destin funeste, The Obsessed). Et ce qui frappe à la 1ère écoute, c’est que ça pourrait bien être Ozzy qu’on entend là, oui, oui, chanteur de Saint Vitus. Une voix plaintive d’où parfois émerge un rire satanique glaçant. Mais bien sûr, même s’il le rappelle (très) fortement, ça n’est pas Ozzy (alors en état de désagrégation avancée), Wino a une voix un peu plus grave, usée par la nicotine, le whisky et autres produits décapants.
Alors, on a là une musique lente, très lente, et terriblement lourde et pas question d’accélérer le tempo sous peine de briser le charme. Et puis, saint Vitus ne joue pas la facilité et reprend non du Sabb’ comme on aurait pu s’y attendre, mais du Black Flag avec « Thirsty and miserable » (tout est dit dans ce titre !!!). Ils ont d’ailleurs fait la 1ère partie (houleuse) de Black Flag après la sortie de leur 1er album. Ils ont eu à affronter des publics punks dont l’accueil a souvent été violent ! Mais après ça, on peut tout supporter. Chandler racontait, qu’après cette tournée, quand ils se faisaient insulter sur scène, ça les faisait marrer !!! On n’est donc pas dans le hard rock ou heavy metal, et encore moins le « hair metal » joyeux à la Poison ou Mötley Crüe !!! 😁 Non, on est dans un univers plombé, nihiliste, aucune d’éclaircie possible, pas de porte de sortie. Comment d’ailleurs pourrait-il y en avoir avec des morceaux comme « Dying inside » ou « The end of the end » ?! « Dying inside » parle de la déchéance totale d’un alcoolique parfaitement lucide sur son état de décrépitude avancée. On peut quand même regretter une batterie qui manque de jus sur cet album, un côté cheap sans doute assumé par les musiciens. Le doom, c’est ça et on peut penser que le Kyuss de « Welcome to Sky Valley » en est un des héritiers. Dans une ambiance et un contexte différents, la filiation est bien là, les liens entre doom et stoner sont ici évidents : « I was born too late / And I'll never be like you », constat d’inadéquation, mais le plus important suit : « And I don't want to be like you ». Tout est dit dans la chanson titre et Saint Vitus est devenu un groupe culte, adulé par de nombreux groupes qui savent qu’on est au-delà un simple groupe hommage à Black Sabbath.