Lena non pas Raine mais "reine" de la chiptune envoûtante. Un petit synthétiseur sous le coude, un autre tabouret placé face à un piano, et voilà qu'elle nous envoie là-haut. Mais quel dommage qu'une fois arrivés sur le toit du monde de Celeste armés ici de nos deux oreilles, on se rende compte qu'on est passé à côté d'un paquet de morceaux incroyables.


Oui, la soundtrack du jeu de Thorson est amputée de moitié. Tandis que le DLC d'Adieu est un cadeau brillant d'inventivité et vachement travaillé, on se retrouve avec un couteau suisse sans le couteau et sans le vis pour le clou final. Ainsi, il manque l'ensemble des thèmes des Faces B, mais aussi la compo du DLC gratos. Alors oui, il y a écrit "Lena Raine" sur la jaquette. Les pistes B sont une collection de remixs produits par un comité d'artistes indés. Et le DLC est sorti deux hivers plus tard que le jeu. Mouais mouais. Une compilation voire une mise à jour dans la bibliothèque musicale serait la bienvenue. C'est là qu'est parti mon point en moins dans la note finale. Parce que se priver d'un Farewell, qui est selon moi le drapeau du sommet de la soundtrack, c'est non.


Farewell, c'est quoi? Les remous de l'âme d'une personne ayant perdue un être cher. La définition même du crescendo. C'est la piste sur laquelle Lena Raine a tout donné. Un genkidama d'amour et de détermination pour l'héroïne de Celeste. C'est le pansement des innombrables bleus qui couvrent les mains des joueurs abattus par la difficulté atroce et la longueur interminable du chapitre. Le seul morceau à valoir la meilleur note. Il a le culot de reprendre les patterns de quelques pistes par ci par là, et en fait une sorte de requiem penché épique. Je ne devrais pas trop en dire sur cette piste, puisqu'elle ne se trouve pas sur cet album. Mais considérez ce texte comme mon petit mot du cœur sur l'ensemble musical de Celeste.


Alors? Et le reste, produits par les doigts magiques de Lena Raine? Ces morceaux sont le squelette du tout. Une grande partie des mélodies est parfois réutilisée et retravaillée ailleurs. Exhale se retrouvera par exemple parmi quelques notes de Heart of the Mountain. Fraise (et non cerise) sur le gâteau, Reach for the Summit, une piste de plus de 11 minutes. Un véritable mashup en 7 étapes, ce même nombre de stages où chacun exprime différents motifs. Tous les 500 mètres vaincus dévoilent un réhabillage de la mélodie commune. Et plus le ciel se fait proche, plus l'intensité sonore fait battre le pouls du joueur qui n'est plus très loin du pic.


L'autre surprise de la pochette est la piste Resurrections. On commence sur une balade nocturne sous acide pour progressivement tomber dans la démence. L'héroïne affronte son double et la gamme musicale s’affole. La course-poursuite donne une mélodie tripante qui doucement s’éteint au fur à à mesure que l'on s'éloigne du sombre château. Le gros de la bande-son est classifiée chiptune, mais l'habillage au piano (et au violon lors du bouquet final du DLC Adieu) ajoute une dimension émotionnelle en plus. C'est un instrument qui se fond à merveille avec les bruitages 16 bits. L'autre magie du jeu vidéo, c'est qu'il y a notion de progrès. Toute nouvelle situation in game (comprenez par là "après chaque checkpoint") modifie la musique. Le beat en prend un coup, la mélodie monte toujours vers l'extrême. Quand la fin s'annonce proche, la mélodie l'indique mieux que l'image à l'écran. L'album a conservé cette particularité, donnant parfois des pistes de plus de 8 minutes.


Véritables outsiders de la soundtrack, les thèmes B exploitent parfaitement leur statut de remix. Un coup de drum & bass pour le premier stage en passant sur de la chillstep lors du quatrième. Le sommet est quand à lui ersatz réussi de transe, pour une escalade encore plus terrible que celle de la Face A. Il faut reconnaître que cette collection de remixs dénote du reste. Enfin, ça donne tout de même un arrière-goût de bande-son en DLC, avec une espèce de "season pass musical" pour le coup des pistes sorties avec Adieu.


On dit qu'un film, une animation ou toute oeuvre audio-visuelle doit 50% de sa réussite à la musique. Le jeu vidéo muet reste jouable, mais le sentiment du "grandiose" a besoin de la mélodie pour s'exprimer. Celeste a déjà tout du grand jeu. Sa musique n'est là que pour le rappeler encore plus fort.

Mottainai
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le 12 oct. 2019

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Mottainai

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