Nous pouvons bien mettre l'étiquette JAZZ sur cette merveilleuse musique , il suffira de se souvenir que le mot n'est pas la chose , que la carte n'est pas le territoire .
Jazz féminin , non du coté des divas façon Diana ou Melody ( encore que Miss Spalding chante et soit belle à tomber ) , mais plutôt coté Carla Bley ou Patricia Barber , compositrices o' combien exigeantes .
Une exigence pour composer des morceaux jusque dans leurs moindres recoins , et pas simplement des thèmes qui serviront de rampes de lancement à des solistes virtuoses et auto-gérés .
Puisque je joue au jeu des comparaisons ( après avoir rejoué le disque pour la quatrième fois aujourd'hui , je suis mordu ) , disons aussi Nina Simone .
La grande Nina , parce que Spalding reprend son emblématique " wild is the wind " , mais surtout parce qu'elle forge un alliage jazz et classique , sans qu'on en voit les raccords . Pas tant d'ailleurs le classique , euh , classique , de Nina , qu'un classique marginal , qui descend plutôt vers le sud , vers une amérique du sud réelle ( Heitor Villa-Lobos ) ou révéé ( Darius Milhaud ).
Le miracle est que cette musique est à la fois très écrite , et semble pourtant jaillir librement et de façon surprenante , dans des chemins sonores toujours imprévisibles . On entend jaillir des cordes , contrebasse , violon et violoncelle , pour se marier au piano , aux percussions et à la belle voix de la jeune femme , bien mieux sans doute qu'un saxophone n'aurait pu le faire .
Des instruments peuvent apparaitre , s'effacer pendant quelques instants , puis réapparaitre dans ce même morceau , avec d'autres motifs . Tout peut arriver dans la musique d'Esperanza et , de fait , tout arrive .
Un si beau disque , et elle a trente ans , elle est là pour longtemps .
Esperanza , donc .