Coles Corner
7.6
Coles Corner

Album de Richard Hawley (2005)

Quatrième épisode des aventures en solo de Richard Hawley, Cole s Corner est l'un de ces albums de haut vol qui, comme arrachés à la pesanteur du présent, planent majestueusement au-dessus de la mêlée. Depuis qu'il s'est découvert une vocation de chanteur, l'ex-guitariste des Longpigs, qui joua aussi les commis de luxe auprès de Pulp et d'une foultitude de gloires mondiales (Nancy Sinatra, Robbie Williams'), poursuit l'idéal d'une musique à la fois indatable et inoxydable. Dans l'intimité de son studio de Sheffield, la ville où il est né et où il finira sans doute ses jours, il creuse obstinément son sillon, avec le secret espoir de semer des chansons qui soient autant de legs à la postérité. Pour accéder à l'éternité, Hawley taille ses chansons dans une matière instrumentale chaude et vibrante ? légères étoffes orchestrales, élégants liserés de guitare électrique ?, qui lui dessine comme un indémodable manteau de mélancolie. Son timbre de baryton, idéal pour les ballades (cette voix est faite pour flâner), épouse le tracé harmonieux de mélodies qui préfèrent cajoler l'auditeur plutôt que de le prendre par surprise. La musique de Hawley a ceci de miraculeux qu'elle joue sur un effet de familiarité instantané, sans s'abaisser pour autant au moindre lieu commun. C'est en observateur attentif des petits riens du quotidien que l'Anglais a trouvé la clé de ce langage universel. Chez lui, l'inspiration jaillit souvent au coin de la rue ? il raconte ainsi que la mélodie doucement cadencée de la chanson Cole s Corner lui est venue alors qu'il poussait ses deux enfants sur une balançoire. Mais la profonde simplicité de son art doit aussi beaucoup à l'humble sagesse d'un homme qui aime à nourrir son imaginaire en cultivant le vaste jardin de sa mémoire (Inrocks)


La grande classe. Sur son nouvel album, Richard Hawley a invité des fantômes aussi élégants que Dean Martin, Johnny Cash ou Roy Orbison à interpréter ses plus belles chansons. C'est probablement la raison pour laquelle la voix est différente sur presque chaque morceau, parfois veloutée, parfois poussiéreuse. Sans âge mais pas sans histoire, elle habite un disque secret et magnifique. Coles Corner est l'oeuvre d'un crooner ombrageux, mais malgré tout britannique, qui a tout compris à la musique américaine. "À chaque fois que je me concentrais sur l'aspect instrumental, je me souvenais du Sun Studio. Un micro, une guitare et le tour était joué", confie très humblement Hawley. De fait, certaines pépites semblent provenir directement de 1954 et ont été enregistrées en une seule prise : Wading Through The Water, ballade faussement nonchalante pour deux guitares, hommage lumineux au grand Cash; Whose Going To Shoe Your Pretty Little Feet, guitare chatouillée et voix sépulcrale à la croisée des chemins, entre country et rock'n'roll décharné. Mais il y a aussi des lumières tamisées, une touche de sophistication et pas mal de romantisme dans les violons, la contrebasse, le piano et la guitare acoustique qui habillent délicatement Coles Corner, le sublime morceau éponyme. On y voit Richard promener sa mélancolie dans les rues de Sheffield: "I'm going downtown where there's music/I'm going where voices fill the air/Maybe there's someone waiting for me/With a smile and a flower in her hair". Sans fleur dans les cheveux, sans maquillage, chaque chanson déploie une séduction subtile et puissante. Inutile d'imaginer résister à The Ocean ou Born Under A Bad Sign et ses entrelacs de guitare et glockenspiel. C'est à peine croyable, mais pour la troisième fois en quatre ans, Richard Hawley sort son "meilleur album à ce jour".(Magic)
Il est comment, le nouveau Richard Hawley ?", ai-je demandé à un confrère et néanmoins ami, qui a eu le disque quelques jours avant moi. "Comme les précédents", m'a-t-il répondu, s'empressant d'ajouter : "Et c'est ça qui est bien." On confirme : "Cole's Corner" offre onze nouvelles variations sur des thèmes déjà largement traités dans les impeccables "Late Night Final" et "Lowedges", le passage de Setanta à Mute relevant de l'anecdote. Les fans - dont on doute que le cercle s'élargisse beaucoup avec ce disque, à moins d'un matraquage peu vraisemblable sur les FM - seront donc ravis, et la légère impression de redite ne devrait pas les déranger outre mesure. Pour ceux qui auraient raté les premiers chapitres, disons que Hawley - ex-Longpigs, membre honoraire de Pulp, grand pote de Jarvis Cocker - est le crooner anglais ultime (avec Paul Quinn, qui est écossais et, hélas, muet depuis des années), doté d'une voix de baryton à fendre les pierres et d'une aimable propension à la mélancolie, comme tout natif du Yorkshire qui se respecte. Un immense chanteur et un songwriter racé qui, pendant des années, n'aura été qu'un guitariste très demandé mais plus ou moins anonyme, pensant que ses chansons n'étaient pas assez dans le vent pour plaire. C'est sûr, les amateurs de sons neufs et modernes et de rock qui se danse peuvent passer leur chemin : comme les précédents, donc, "Cole's Corner" n'est fait que de matières nobles et indémodables, travaillées avec la fière humilité de l'artisan. Le morceau-titre en ouverture orchestrale, qui jumelle Sheffield et Las Vegas sous le haut patronage de Jimmy Webb, et la clôture instrumentale, une berceuse traditionnelle où un piano nimbé d'écho fait la fermeture du pub ("Last Orders"), délimitent assez précisément le territoire qu'arpente Richard Hawley : une ville connue par cœur et riche de mille histoires ordinaires, comme Wichita ou Phoenix. Entre les deux, il revisite la country avec une classe digne d'Edwyn Collins ("Just like the Rain", "I Sleep Alone", "(Wading Through) the Waters of My Time"), rend visite à Roy Orbison, Del Shannon, Dion et autres incurables romantiques des fifties et early sixties ("Hotel Room"), et sonde à grands coups de cordes les abysses déjà explorés par Scott Walker ou Sinatra (le sublime single "The Ocean"). Pas de quoi parader avec la énième nouvelle vague du rock anglais, mais on veut bien croire que notre homme s'en moque, conscient que ses grandes chansons sur de petites vies ont l'éternité pour elles. (Popnews)
bisca
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le 28 mars 2022

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