À réhabiliter

Cet album paraît à l'époque où la bataille entre Prince et Warner Bros. atteint son paroxysme.

Le projet initial de l'artiste est de publier simultanément Come de Prince et The Gold Experience de O(+> pour marquer la fin d'une ère (1958-1993) et le début d'une autre. On n'entrera pas dans les explications sur la différence entre les deux entités, d'autant plus qu'elle est plus que ténue et concerne surtout les droits d'utilisation de la marque "Prince" par WB et par l'artiste.

Évidemment, Warner n'a pas voulu réaliser le projet initial et les deux albums ont donc été malheureusement drastiquement modifiés parce que Prince ne voulait plus donner certains morceaux à Warner. Le premier des deux albums est paru en août 1994, le second, beaucoup trop tardivement, en septembre 1995 alors que Prince s'était déjà lancé dans un autre projet de bien moindre intérêt (Emancipation). La période 1993-94 est pourtant sa plus passionnante depuis 1988, jouant alors avec la meilleure version du NPG.

Come aurait vraiment pu être très bon, mais ses transformations en ont réduit la qualité. Et ce, dès l'intro. Curieusement, à l'origine le morceau éponyme - simple et accrocheur avec une belle basse et un petit riff de guitare taquin - n'était pas dessus et l'album débutait énergiquement avec "Interactive" et "Endorphinmachine" (enchaînée à "Space"), dans la veine rock, façon "Peach", que Prince affectionnait en 1993. La première a purement et simplement été évincée et la seconde, après quelques désastreux bidouillages de studio, a fini sur The Gold Experience, sur lequel on trouve également "Dolphin" qui figurait aussi sur la version initiale de Come.

Une fois les morceaux électriques et énergiques supprimés de l'album, celui-ci a considérablement changé de nature. Prince a ajouté une version longue et plus fade de la chanson-titre, bien différente de l'originale qui figurait sur une première version de l'album (avant d'être remplacée par "Interactive"). Le début de l'album est donc un peu mou, d'autant plus que l'impression donnée ensuite par "Space" (bonne ballade de remplissage, mais remplissage quand même) prolonge encore cette mollesse.

Les choses démarrent réellement ensuite, et la partie centrale relève le niveau, de façon homogène ("Pheromone", "Loose!", Papa", "Race" et "Dark"). Un peu plus loin, "Letitgo" est une petite chanson pop qui ne paie pas de mine, mais qui s'en sort plutôt honorablement. Le problème, c'est l'horreur absolue, une des pires choses pondues par Prince : "Solo". Un immonde machin a cappella qui vrille la tête et fait saigner les oreilles. C'est abominable !

Le disque se conclut par "Orgasm" qui n'est pas une chanson à proprement parler, mais la fin d'un titre intitulé "Poem" qui faisait l'ouverture du Come initial. Il s'agit en fait d'un collage entre le final de "Private Joy" (guitare) et de "Vibrator" de Vanity (voix). Avec "Solo", l'autre mauvaise idée de Prince, est d'avoir découpé "Poem" pour en mettre un extrait au début de presque chaque chanson de l'album et de casser la continuité. On regrettera aussi que "Race" soit raccourcie, amputée de ses "anti-solos" de guitares très funky.

Finalement, sur les neuf morceaux, six tiennent la route et l'ensemble s'écoute plutôt agréablement, surtout si on enlève "Solo" et "Orgasm". L'album est donc en tant que tel tout à fait honorable. Il faut juste éviter de se rappeler ce qu'il était à l'origine si on ne veut pas le trouver frustrant. D'autant plus qu'à cette époque O(+> tournait en permanence et ne jouait que ses nouveautés incroyables, et largement documentées sur quelques pirates de qualité, qu'on espérait trouver ensuite sur disque ("Interactive", "Days of Wild", "Now", "The Ride", "Shhh", "Billy Jack Bitch", "Pussy Control", "The Undertaker", "Poorgoo"...) et finalement, en ce mois d'août 1994, on n'a rien eu... ou alors en partie seulement un an après, une fois le soufflé retombé, et dans des versions tronquées et moins inspirées.

P.S. : "Interactive" est finalement parue en 1998 sur la compil' d'inédits Crystal Ball, sur laquelle on peut également trouver d'autres titres de la période, dont un très bon remake de "Dark" réenregistrée en 1994.