Subtile

Tous ceux qui ont été déroutés par l'incursion du chanteur/compositeur John Mayer dans le blues avec l'album Try ! John Mayer Trio Live in Concert de 2005, n'ont pu qu'être déconcertés en écoutant l'album et en se rendant compte qu'il était en fait bon. Et pas seulement un peu bon, surtout pour celui qui avait été largement étiqueté comme un clone de Dave Matthews, mais vraiment, sincèrement, organiquement bon comme un album de blues à part entière. Cependant, pour les fans de longue date qui avaient suivi l'évolution de Mayer, le tournant n'était peut-être pas si inattendu. Peu après la sortie de son deuxième album en 2003, le décontracté et assurément mélodique Heavier Things, Mayer a commencé à apparaître sur les albums d'artistes emblématiques du blues et du jazz tels que Buddy Guy, B.B. King et Herbie Hancock. Et pas seulement en chantant, mais en jouant de la guitare aux côtés de musiciens légendaires sur cet instrument. En bref, il a cherché ces artistes pour tenter d'explorer les racines du blues, une musique pour laquelle il a manifestement une profonde affection. Plutôt que de considérer son trio de blues comme un projet secondaire isolé et complètement déconnecté de son travail antérieur, il est clair aujourd'hui qu'il s'agissait de l'étape suivante de son développement musical. Et à vrai dire, si Try ! met en valeur les talents d'improvisateur de Mayer, il s'agit plutôt d'un album de blues/soul dans la tradition des légendes du blues électrique comme Jimi Hendrix et Stevie Ray Vaughan, avec des chansons de Mayer qui marient parfaitement son talent de mélodiste et ses penchants de bluesman. En fait, ce qui semblait à l'époque être un clin d'œil à sa base de fans majoritairement féminine (l'inclusion de "Daughters" et "Something's Missing" sur Heavier Things) était en fait un signe qu'il créait un pont entre son son et ses auditeurs, leur montrant où il allait.
Cela dit, rien de ce qu'il a fait jusqu'à l'excellent et expansif Try ! n'aurait pu vous préparer à l'avancée créative monumentale que représente l'effort studio de Mayer en 2006, Continuum. Avec son trio blues/rythmique composé du bassiste Pino Palladino et du batteur Steve Jordan, ainsi qu'avec la participation du trompettiste Roy Hargrove et du guitariste Ben Harper, Mayer met à profit toutes ses récentes explorations musicales et ses talents croissants d'auteur-compositeur-interprète sur Continuum. Produit uniquement par Mayer et Jordan, l'album est un effort dévastateur, entièrement réalisé, qui dépasse en tout point les attentes et positionne Mayer comme l'un des artistes les plus pertinents de sa génération. Pour renforcer l'idée que le trio de blues de Mayer est plus qu'une simple indulgence créative, il a repris deux titres de l'album live, "Vultures" et la ballade soul profondément métaphorique "Gravity". Ce sont des chansons poignantes qui donnent la parole à une génération d'enfants élevés par les stars de TRL et les clips de CNN, qui se retrouvent adultes et en guerre de "croyances". Abordant une poignée de sujets - sociaux et politiques, romantiques et sexuels, personnels et pourtant toujours universels - Continuum de Mayer mérite ici une comparaison légitime avec What's Going On de Marvin Gaye. Personne - pas un seul des contemporains de Mayer - n'a proposé quelque chose qui ressemble à un hymne anti-guerre valable, qui soit aussi bon et qui parle autant à sa génération que son "Waiting on the World to Change" - et il y accroche tout l'album comme premier single.

C'est une déclaration d'intention audacieuse qui se retrouve tout au long de l'album, non seulement dans le sentiment, mais aussi dans le ton. Continuum est un album magnifiquement produit, brillamment dépouillé, qui incorpore le blues, le funk doux, le R&B, le folk et la pop dans un son qui appartient totalement à Mayer. Il n'est pas exagéré de décrire le son de Continuum en le comparant aux œuvres de légendes telles que Sting, Eric Clapton, Sade, Stevie Ray Vaughan et Steve Winwood. En fait, le ton adulte contemporain soutenu de l'album aurait pu facilement devenir turgescent, ennuyeux ou daté, mais il ne l'est jamais, et rappelle des albums classiques de la fin des années 80 comme Nothing Like the Sun de Sting, Journeyman de Clapton et In Step de Vaughan. À chaque instant, Continuum montre que Mayer est un musicien mature, réfléchi et doué, qui comprend parfaitement sa place non seulement dans l'industrie du disque, mais aussi dans la vie.