John Stevens, Evan Parker – Corner To Corner + The Longest Night - (2007)


Cette compile regroupe des enregistrements importants, peut-être même fondamentaux du free jazz britannique. La session du vingt et un décembre soixante-seize contient trois pièces parues en soixante-dix-sept sous le nom de « The Longest Night Vol 1 » en édition vinyle originale. Il y a également le second volume de ces longues nuits, regroupées entre les pièces quatre à sept du premier Cd, ainsi que de la première pièce du Cd deux, c’est-à-dire le titre « 23.40 », cet ensemble constituait à l'origine le vinyle « The Longest Night Vol 2 ».


En outre, les pièces deux à huit du second Cd, proviennent d'une autre session, celle du huit juin quatre-vingt-treize, et sont issues de l’album « Corner To Corner ». Cette compile deux Cds regroupe donc trois albums qui sont parus sous le label Ogun, en deux mille sept, pour une durée totale d’environ deux heures trente, ce qui est assez impressionnant, un peu comme si vous alliez au concert ou à l’opéra.


« Corner To Corner » est donc paru un an avant la disparition du batteur John Stevens, que l’on entend également au cornet. On se souvient qu’il a été un des membres fondateurs du « Spontaneous Music Ensemble » que l’on a souvent évoqué sur ce fil, et dont il a été membre jusqu’au bout. John Stevens est une des personnalités les plus marquantes du free anglais, à l’image d’Evan Parker, son partenaire sur ces albums.


Ce dernier se concentre sur son instrument fétiche, le saxophone soprano. Ces deux musiciens, John Stevens et Evan Parker, sont donc considérables, doués d’une influence d’envergure mondiale, et pourtant, par la force des événements, souvent réduits aux petits espaces et à un public d’initiés. C’est le sort réservé aux précurseurs, débroussailleurs et défricheurs, explorateurs des terres limitrophes, entre espaces connus et terres encore inexplorées.


Le premier Cd est donc remarquable par la trace qu’il laisse d’un dialogue pied à pied, où les deux s’épousent terriblement, serrés et collés, comme en recherche de fusion. Evan est ramassé, mais jamais petit bras, comme une marmite bouillonnante que l’on sent prête à exploser mais qui se maîtrise et se contrôle, pour aller un peu plus loin, avancer encore, un pas de plus…


John Stevens est économe et généreux, son kit est minuscule, et presque ridicule, quand on pense au matériel que certains de ses collègues étalent devant eux, et même autour deux. Lui, n’a pas de grosse caisse, juste deux charlestons et une caisse claire que l’on penserait conçue pour un enfant. Maintenant écoutez bien, et vous aurez une idée de ce qu’est la « maestria ».


Les deux sont des peintres modernes, ils projettent sur la toile, laissent couler, ils envoient des gouttes colorées et zèbrent ensuite, ensemble, dans le même geste, ils superposent les couches de couleur, recherchant la nuance en faisant éclater la lumière, la faire surgir, jaillir, jusqu’à ce qu’elle éclate…


Le second album « Corner To Corner » est tout aussi remarquable et peut-être encore davantage, C’est ici que l’on entend John Stevens au cornet pour un dialogue pointilliste et intense. Ce foisonnement ininterrompu de sons, hoquetant parfois, en un éternel questionnement est particulièrement puissant et interpelant pour l’auditeur pris à parti malgré lui…


Quelque chose d’essentiel se joue dans cette musique, malgré qu'elle semble un peu perchée, sauf à s'y plonger…

xeres
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le 11 mai 2025

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