Darlène
6.9
Darlène

Album de Hubert Lenoir (2018)

The Rise and Fall d'un fils de personne ?

The Rise and Fall d'un fils de personne ?


"Fils de personne" ? Ce serait difficile à croire. Car oui, si Hubert Lenoir semble sortir de nulle part dans un paysage musical de plus en plus morne aujourd'hui, il ne peut se targuer de s'être fait tout seul tant l'on ressent l'influence d'un Bowie à l'écoute de son album Darlène.


Le nouveau talent de la musique pop tout droit venu du Québec sort un projet qui est en fait double puisque si le musicien réalise l'album, sa petite amie noircit les pages d'un roman au titre éponyme.


Dans une interview accordée au média québécois URBANIA, le jeune couple évoque le sentiment de manque d'appartenance de toute une génération à un mouvement assez large pour tous les rassembler. Le doigt est pointé ( mais sans pour autant le déplorer ) sur une génération ayant grandi via internet et donc sur la possibilité d'évoluer dans une niche.


C'est d'ailleurs un peu le concept de l'album, tenter de regrouper toutes ces niches d'une jeunesse en panne de GPS pour fédérer et aller tous ensemble dans la même direction. ( Je tiens à préciser qu'à ce stade, je n'ai pas encore lu entièrement le roman, je ne parle donc que de l'album ).


Et quoi de mieux pour rassembler que de reprendre les vieilles recettes pour faire du neuf ? N'en déplaise à l'intéressé qui semble si faraud dans son costume d'androgyne qu'il croit aussi novateur et transgressif que celui de Bowie bien des années avant sa naissance.


A l'écoute de l'album, l'on sent que le jeune québécois a bien écouté son aîné mais le talent n'est pas quelque chose qui se recopie et parfois, les pistes peinent à nous tenir en éveil. C'est notamment le cas du seul morceau chanté en anglais, Wild and Free, morceau qui pour le coup comporte le même défaut que la récente entreprise d'Harry Styles avec son premier album, à savoir souhaiter se rapprocher du maître Bowie mais finalement ne fait qu'écho ( et encore, péniblement ) au style désormais caractéristique d'Alex Turner.


Si d'autres titres comme Ton hôtel, Cent-treizième rue ou encore Si on s'y mettait sont oubliables, les titres J.-C. et Recommencer sont resplendissants, l'un de part ses transitions et changements de tons, l'autre de part sa fragilité assumée. Flamboyants certes mais là encore, le fond, c'est-à-dire le discours voulant faire d'un christianisme le grand mal encore tenace de l'Occident ( dans J.-C. ) paraît dérisoire tant ce dernier a perdu de son influence depuis des décennies ( il faut toutefois dire que le jeune Hubert provient d'un milieu qu'il décrit lui-même comme "conservateur" ).


Musicalement, l'on ne peut pas dire que l'album soit un chef-d'oeuvre mais l'on ne peut pas dire non plus que celui qui considère que "tout ce qui sort aujourd'hui, c'est de la merde", a fait du mauvais boulot. Dans l'ensemble les mélodies sont assez accrocheuses et entêtantes même si le brassage de culture pop dont Hubert Lenoir se revendique nous fait nous questionner si parfois, il n'a pas trop écouté les mélodies d'un Mario Kart.


Le morceau en trois parties, Fille de personne, est la clef de voûte de l'album. C'est lui qui l'ouvre, par une piste instrumentale ( instrumentations dont Lenoir finit par abuser un peu au cours de l'album ), et c'est aussi lui qui donne le la d'entrée de jeu avec ses quelques notes de saxo.


L'ensemble de l'album pourrait être résumé par la seconde partie de la chanson, Fille de personne II : le refrain tape à la première écoute mais s'épuise au bout de plusieurs, au point de ne plus invoquer que la fausse promesse d'un album se voulant "à part".


Finalement, dans un même album, Hubert Lenoir parvient à s'élever dans la première et à retomber dans la seconde moitié du projet. The Rise and Fall. L'élève tente désespérément de suivre les pas du maître. A l'écoute de cet album, je n'ai pu m'empêcher de m'interroger : un album comme celui-ci, avec cette musique, ce discours, est-ce vraiment indispensable de nos jours ?


Si pour moi la question se pose, pour beaucoup non et il faut lui reconnaître sa réussite, parler à une génération qui entend mais n'écoute plus grand chose. D'après mon coloc de Montréal, qui m'a fait découvrir Hubert Lenoir, il faut le voir sur scène. Pourquoi pas, après tout.

Chichilianne
5
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le 4 juin 2020

Critique lue 255 fois

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