Death
7.9
Death

Album de Teitanblood (2014)

Jamais un album n’aura aussi bien porté son nom. Death. Le dernier opus de Teitanblood est ce que le death metal, fort de 25 années de productions extrêmes et brutales, peut faire de mieux. Je dirais même que cet album est la quintessence, de la transgression, de l’audace, et du talent dont a su faire preuve une génération entière de musiciens désormais.


Death n’est pas un album facile à appréhender. Le travail de Teitanblood sur cet album est en effet appuyé par une production qui, lors d’une première écoute, peut surprendre. C’est même une évidence. La batterie est très largement mise en avant, les lignes instrumentales forment une forme de socle sonore peu discernable, et les lignes de chant, hurlées et tourmentées au possible, semblent avoir bien du mal à trouver leur place au sein des compositions. Finalement, on sent que la volonté du combo espagnol a été de mettre en avant chacune des composantes de la musique de Teitanblood, sans en laisser aucune en retrait : chants, percussions, et cordes se côtoient d’une manière qui, au premier abord, peut sembler brouillonne et sans relief.


Il n’en est rien. Relevons avant toute chose la technicité sans faille des musiciens de Teitanblood. Donnez un cookie à ce batteur qui se fait appeler Morbid Entity From The Depths Below. Donnez-lui tout le paquet, un morceau de l’Ukraine, n’importe quoi. Ce qu’il réalise sur Death est tout bonnement impressionnant. Du début à la fin de l’album, il n’est pas une mesure sans que ses fûts soient épargnés par sa technicité et par un jeu plein de tact, de doigté. Des lignes de batteries brutales, mais mesurées. A l’instar de son jeu de cymbales, omniprésent, mais pas chaotique comme sur pas mal de productions de brutal death ces dernières années. Sur cet album, la batterie représente en quelque sorte les fortifications aériennes mais épaisses dans l’enceinte desquelles ont bâtirait un donjon.


Les guitares et la basse savent former une base rythmique solide et équilibrée. Tantôt effrénés à la manière du plus pur death old-school, tantôt lourds et écrasants, évoquant une forte influence doom death (Teitanblood a d’ailleurs sorti un split avec les excellents Necros Christos). Le son est gras, mais reste très largement audible. Pas trop clairs non plus, les riffs rappellent presque l’atmosphère hallucinante que l’on retrouve sur le dernier Sarpanitum (Blessed Be My Brothers). A cela, viennent s’ajouter quelques solis. Loin de se limiter à des simples démonstrations techniques, ils apportent aux compositions une dimension aérienne presque mystique. Les cordes viennent ainsi compléter le tableau médiéval. Elles sont le donjon qui s’élève entre les murailles. Sombres, hautes, lugubres, elles écrasent la plaine de leur noirceur.


Les lignes vocales viennent compléter ce panorama. Un grawl caverneux et morbide, qui vient se poser sur la structure instrumentale, mégalithique, telle une chape de plomb. Une chape de plomb en fusion. Le chant est schizophrénique, tantôt empreint d’une folie barbare, tantôt tourmenté et déchiré. La superposition des voix ajoute encore plus à l’épaisseur du chant sur Death: Se dégage de ces vocalises, de l’énergie, de la puissance, de la violence. Ainsi le vocaliste (Nom de scène Iniquitous Templar of Black Iron Faith. Le bonhomme s’occupe aussi des guitares et de la basse au sein du groupe) donne vie au donjon sur la plaine. Il met en scène la bataille qui laisse l’endroit ruisselant de sang, qui laisse les fortifications en ruine, qui sème le chaos sur le tableau. Les rares samples qui rythment, de façon anecdotique Death, complète la dimension funèbre du tableau.


Au-delà de la description de cet album à l’aune de son bilan « technique », il s’avère pertinent, afin de mieux le considérer, d’en évoquer le contenu épurement émotionnel. Teitanblood parvient, au cours de cette heure de brutalité et de tourments, à animer le tableau précédemment décrit. Chaque titre est la mise en scène d’une bataille, l’incarnation de toute la violence et de toute la barbarie qui peut s’en dégager. Teitanblood se permet d’ailleurs de présenter des compositions relativement longues (10 minutes en moyenne). Et bien loin de lasser, ou d’irriter, Teitanblood parvient à garder l’auditeur en haleine. Dans toutes les chansons de l’album, chaque riff en cache une multitude d’autres, chaque soli ouvre un nouveau break, et jamais les compositions ne semblent répétitives. L’album se clôt par le monumental Silence Of The Great Martyrs. Un dyptique de près de 17 minutes, la quintessence de ce que fait de mieux la scène death metal aujourd’hui : du sombre, du brutal, de l’occulte.


Death, c’est cette plaine médiévale après la bataille. Une sorte de chaos organisé, structuré, dépeint avec talent et énergie. Une œuvre dont tout l’intérêt, toute la réussite, repose sur l’équilibre de ses compositions. Car c’est bien là la véritable prouesse réalisée par les musiciens de Teitanblood. Guitares saturées, sourdes et écrasantes, côtoient savamment une batterie omniprésente, au son lui aussi épais et gras, et dialoguent avec un chant schizophrénique et plein d’émotion et d’énergie. Il n’est pas facile d’appréhender cet album tant, sa structure est complexe, et tant ce que Teitanblood réussit à travers lui est une prouesse. Après de nombreuses écoutes, le rideau se lève, et la toile de maître se dévoile.

P1ngou1n
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le 15 juil. 2015

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