Double Fantasy
6.5
Double Fantasy

Album de John Lennon et Yoko Ono (1980)

Début 1980, John Lennon, reclus new-yorkais dans son grand appartement du Dakota Building, grimpe dans un taxi. A la radio passe un morceau d'un vieux camarade à lui, Paul McCartney. "Coming Up" (issue de McCartney II) est son nom. John, reclus honorable, a complètement abandonné la musique depuis le franchement décevant Rock'N'Roll de 1975, et se consacre depuis à l'éducation de son fils Sean, qu'il a eu avec Yoko la même année , Yoko qui d'ailleurs s'occupe depuis de leurs affaires communes (ce qui fera beaucoup jaser...).


La relation qu'ils ont n'est pas au beau fixe début 1980, Yoko ayant recommencé en secret à prendre de l'héroïne, à la désapprobation de John. Pour laisser le temps à sa femme de se sevrer, il s'envole avec Sean vers les îles Bermudes, voyage qui aura un grand impact sur ses futures compositions (on en reparlera quand on abordera Milk and Honey) .


Bref, l'ex-Beatle est franchement impressionné et séduit par "Coming Up", et c'est ce qui le décidera en rentrant chez lui à empoigner sa guitare et à composer de nouvelles chansons, en vue d'un nouvel album... Le titre est vite trouvé, en l'honneur d'une plante des Bermudes qui a la particularité d'avoir deux fleurs semblant s'embrasser, la freesia, Double Fantasy.


Il est rapidement convenu que celui-ci sera partagé en deux avec sa Yoko de femme, et qu'il formera ainsi, comme l'appelle le couple, un "heartplay" (difficile à traduire en français, mais le concept n'est pas ardu à saisir je crois...).Ils dégottent un producteur, en la personne de Jack Douglas (ingé son pendant les sessions d'Imagine en 1971) et commencent donc la préparation de ce nouvel opus, les rumeurs se propagent: John Lennon, l'ex-leader des Beatles serait de retour en studio après pratiquement 5 ans d'absence avec de nouvelles chansons, et le contrat le liant à Apple Records et donc EMI ayant expiré en 1976, l'artiste est donc "libre".


Plusieurs maisons de disques se retrouvent rapidement intéressées par cette occasion unique et inratable, mais David Geffen, fondateur d'Asylum puis de Geffen Records (qui abritera plusieurs célébrités comme Neil Young mais dont le fonctionnement sera décrié), aura l'argument fort: il déclarera être prêt à produire le nouvel album de Beatle John qu'importe le coût, et tout illimité. De plus, il est le seul qui accepte la demande de John , que sa femme ait une place égale à la sienne au sein du label. C'est lui donc qui empochera le couple Lennono.


Le couple qui, d'ailleurs, réunit une équipe de professionnels. John joue de sa rhythm guitar, mais Earl Slick, que nous avons croisé chez Bowie, s'occupe de la lead. Andy Newmark (drums), Tony Levin (bass) et George Small (keyboards) complètent cette équipe. Ils se réunissent aux studios Hit Factory à New York City, et préparent l'album du retour, tant attendu, de John Lennon.


Le son qui en résulte est totalement inédit dans les carrières solos des Beatles. En effet, Lennon offre ici un album à forte tendance new wave, cela notamment dû à l'influence de sa compagne Yoko Ono qui, à sa différence, continue de fréquenter les places en vue new-yorkaises, le Studio 54, le CBGB et bien d'autres. Elle est donc bien au courant de ce qui se fait et de ce qui s'écoute en 1980. Attention, cela ne veut pas dire que cet album est un OMNI, il propose tout de même de purs écrins lennoniens classiques, comme nous allons le voir, mais les contributions de Yoko apportent cette touche de modernité.


Ecrins lennoniens donc, comme "(Just Like) Starting Over", "Watching The Wheels" ou encore le fabuleux "Woman", sans oublier "Beautiful Boy" dédiée à son fils Sean, alors âgé de cinq ans.
On reconnaît vraiment la touche Lennon, et ce sont toutes des chansons agréables, très easy-listening, qui auguraient un retour aux affaires réel et sérieux.
Mais Yoko n'est pas en reste, loin de là. Elle signe ici une de ses plus belles compositions, "Every Man Has A Woman Who Loves Him" qui est une pure satisfaction new wave, ou "Kiss Kiss Kiss", assez intéressante également.


Mention spéciale au diptyque "I'm Losing You" & "I'm Moving On", deux chansons qui se complètent parfaitement en toute logique et cadre. Ce sont d'ailleurs mes deux favorites.


Il y a aussi (naturellement!) des points faibles: "Dear Yoko", "Cleanup Time" pour Lennon, "Yes, I'm Your Angel", "Hard Times Are Over" et "Beautiful Boys" pour Yoko, preuve que, comme toujours, rien ne peut être parfait.
L'album marchera moyen au début, mais grimpera progressivement les marches du Billboard américain, Lennon multipliant les interviews pour la promotion, mais l'impensable se produisit, le soir du 8 décembre 1980.


Ce jour là, John se fait prendre en photo avec Yoko pour la couverture de Rolling Stone par Annie Leibovitz, puis part en studio travailler sur "Walking On Thin Ice", prochain single de Dame Yoko (sublime et prémonitoire). Ils rentrent tard, et ne comptent plus repartir (ils ont même, selon la rumeur, annulé un dîner avec David Bowie), Lennon voulant se détendre chez lui et souhaiter bonne nuit à son fils Sean.

Il se fait toucher au dos par les balles du revolver de Mark David Chapman tandis qu'il gravit les marches du perron, ses derniers mots connus étant "Je suis touché!".


Ni la médecine ni Dieu ne sauveront John Lennon, et Double Fantasy se retrouvera ainsi être le dernier témoignage direct de l'ex-Beatle. Il aura, via ce tragique évènement, un grand succès à l'international.


Mr Lennon avait prévu de repartir sur les routes, défendre cet album à la sublime pochette, John & Yoko s'embrassant à Central Park. Nous reste sa discographie exceptionelle, tant parmi les Beatles qu'en solo, nos larmes et les hommages de ses camarades, "Here Today" de Macca (Tug of War, 1982) et "All Those Years Ago" de Georgie Boy (Somewhere In England, 1981).


Il y aura bien d'autres disques, des compilations posthumes mais Double Fantasy restera toujours et à jamais le dernier disque de John Lennon, puisse-t-il reposer en paix.

lyons_pride_
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le 18 déc. 2021

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tomBadAss
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