Draconian Times
7.6
Draconian Times

Album de Paradise Lost (1995)

La fable de la carpe gothique et du lapin métallique

En cette année 1995, un certain microcosme fut en émoi lorsque le groupe anglais Paradise Lost publia son cinquième album, Draconian Times. Beaucoup de superlatifs et de critiques élogieuses tombèrent sur les épaules des géniteurs d’As I Die (leur premier « tube »), ces derniers réussissant enfin à concrétiser sur un album entier tout le potentiel qui apparaissait sur leurs deux précédents disques (Shades of God et Icon).

A leur corps défendant, Nick Holmes et Greg Mackintosh (les têtes pensantes du quintet) furent dès lors les instigateurs d’un mouvement (qui avec le recul aurait du rester mort né) : le gothic metal. Combiner la tristesse froide et les atmosphères lugubres avec des guitares lourdes et agressives ressemblait à une chimère fort séduisante (encore qu'à l’écoute du titre éponyme de Black Sabbath, tout était déjà là…). Dommage que le dit mouvement n'ait retenu que l'aspect théâtral et grotesque du goth allié à la « finesse » du heavy metal pompier (non ce n’est pas un pléonasme !).

Treize ans après sa sortie (ah oui quand même…), que penser du dit album ? Draconian Times garde encore un charme indéniable en dépit de plusieurs imperfections. Paradise Lost nous ayant habitué à changer de mue à chaque album (en attendant les prochains One Second et Host), ce LP de 1995 permit au groupe un nouvel éclairage et surtout une nouvelle popularité (le disque est leur plus grand succès critique et commercial).

Contrairement aux disques précédents, Paradise Lost épure les ambiances morbides issues de leur racine doom/death metal, pour ne garder qu’une mélancolie riche de riffs bien sentis. Les anglais simplifient également les structures au profit d'une certaine efficacité (au risque de rendre des chansons un peu trop basiques voire linéaires). A titre de comparaison, on se rappellera le parallèle promotionnel avec Metallica de l’époque : Shades of God pouvant en effet être considéré comme leur …And Justice for All et Draconian Times comme leur Black Album.

L’album s’ouvre par un Enchantment épique : belle introduction au piano, quelques chœurs et des guitares inspirées. Le morceau suivant Hallowed Land creuse le même sillon, léger break au piano, saturation et efficacité au rendez vous (quel refrain ! « Seek hallowed Land »), avec une fois de plus un Greg Mackintosh qui nous fait grâce de son talent de soliste. Comme indiqué précédemment, Paradise Lost simplifie les structures et signe le « tube » de l’album avec The Last Time. Si l'efficacité ne fut pas remise en cause à l’époque, admettons qu'aujourd'hui la simplicité passée passe mal. Erreur corrigée dès le titre suivant, sans doute le meilleur de l’album, Forever Failure. Chanson plus ou moins provocatrice agrémentée de samples de Charles Manson (« l’homme qui tua les 60’s », comme il est indiqué dans le livret) qui exploite au mieux l’aspect dramatique de la musique. Once Solemn, titre le plus rapide du disque et Shadow Kings, parfait mix entre ambiance goth et riff plombé, se joignent à la liste des bons points. Et puis après me direz-vous ?

Malheureusement sur le reste de l'album, le groupe semble avoir passé le pilote automatique : de bonnes chansons, mais bien trop linéaires pour retenir véritablement l’attention (Elusive Cure, Yearn For change). S'ils arrivent encore à faire illusion sur Jaded qui clôt l’album (l’introduction basse/batterie d'Hands of Reason était également prometteuse), la deuxième partie de Draconian Times invite donc à de nombreux regrets. Autre défaut notable (que les anciens fans nous pardonnent) : la performance vocale de Nick Holmes. Si sur la partie goth, Holmes s’en tire avec les honneurs (aidé il est vrai par quelques effets sur sa voix), son chant heavy gueulard finit par saouler l’auditeur.

Bien loin du chef d’œuvre annoncé. Mais tout ceci reste encore agréable aux oreilles appréciant les riffs plombés, pour les autres...
Claire-Magenta
7
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le 10 mars 2014

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Claire Magenta

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