Earthbound est le premier live de King Crimson, et pas des moindres. En effet, toute personne qui s'est renseignée à son sujet connait la mauvaise réputation de cette sortie. Son atroce, rejeté du marché US de par sa qualité digne d'un bootleg... ouaip, c'est pas un disque populaire, et ce d'autant plus qu'enregistrement à l'arrache oblige, l'album n'a jamais pu être remasterisé pour avoir un meilleur son. C'est du brut que nous sert Robert Fripp & cie, qu'on le veuille ou non.


Earthbound est donc le seul témoignage (du moins avant un bon moment) du King Crimson période Islands. Et croyez bien que les fans ont été heureux d'avoir des archives de meilleure qualité dans les années 2000. En reprenant la scène, le Roi montre un visage plus proche du rock expérimental et du hard plutôt que le prog classieux dont il faisait preuve en studio. Les quatre musiciens, accompagnés par Hunter McDonald au synthé (Peter Sinfield a déjà mis les voiles because pas d'accord avec Fripp), se déchainent et offrent le meilleur de leur art. On fustigeait la basse plate de Boz Burrell ? Malheureux, le bonhomme devient une bête de scène, ayant rapidement appris à ne plus faire qu'un avec son instrument. Ian Wallace n'est pas un batteur formidable ? Ta gueule et écoute-le jouer, c'est dantesque. Bon sinon, Fripp et Collins sont toujours fidèles au poste, et eux assurent comme toujours.
Mais donc, si on a des lives de bonne qualité de cette période, pourquoi alors écouter Earthbound ? Hé bien, parce qu'aucun autre live n'a su capter un King Crimson avec autant de fougue et de rage. Le groupe part dans trois improvisations atroces a priori, mais qui se révèlent comme étant de vrais pains dans la gueule, des scuds qui ridiculisent tout ce que le hard rock, voire le heavy metal pouvaient faire à la même époque. La violence, c'est bien, mais la virtuosité et la hargne en même temps, non seulement c'est mieux mais en plus c'est pas donné à tout le monde. À la rigueur, "Peoria" traine un peu la patte, et se doit d'être considéré comme le maillon faible de l'album. Mais c'est déjà une chouette impro en soi, quand bien même elle n'arrive pas à la cheville de "Groon". Ah, "Groon"... de base, ce n'est pas un inédit, puisqu'il s'agit de la face B du single "Cat Food". Cependant, cet intermède jazzy de 3 minutes se mute ici en monstre progressif de 15 minutes, où Collins se donne à fond en mode Coltrane, le talent en plus. On a même la seule contribution du musicien additionnel McDonald, qui triture et torture son VCS 3 tandis que Wallace se lance dans un solo de batterie nerveux as fuck.
Earthbound, c'est un poing dans la face. Le genre de disque qui ne laisse aucune pitié à l'auditeur, quand bien même ce dernier serait armé jusqu'aux dents. C'est aussi une forme ultraviolente d'adieu, le groupe explosant en plein vol, à cause de la volonté des membres de vouloir composer des morceaux plus bluesy, ce qui contre la volonté de Fripp qui sait où il va et refuse de se laisser détourner. Et il va vers le zénith du rock progressif.
Walter_Smoke
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le 13 avr. 2019

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