Everest
7.3
Everest

Album de Girls in Hawaii (2013)

Everest est dans la discographie des Girls in Hawaii un album à considérer différemment des autres, dans la mesure où son contexte lui donne une grille de lecture totalement différente. La chose se prouve facilement : sur les 6 critiques de ce site, 4 parle de ce fameux contexte, et je suis sûr que n'importe où autre part, la quasi totalité des analyses aborderont ce contexte. Ceux qui le connaissent savent de quoi je parle (et savent que je suis bien obligé de l'aborder). Pour les autres, je ne vais pas cacher le mystère davantage.
Le 30 mai 2010, Denis Wielemans, batteur et frère du chanteur/guitariste Antoine Wielemans décède dans un accident. Le groupe, déjà lent dans ses publications, s'efface aussitôt de la scène belge. Beaucoup pensent alors que les Girls in Hawaii ne sont plus que de l'histoire ancienne. Et pourtant, ils reviendront en 2013 le temps du single Misses, puis de l'album Everest. Tout le monde se doute que la musique du groupe a fortement évolué depuis leur dernier album Plan Your Escape, qui date déjà de 2008.


Et l'ouverture de cet album est pour le moins... intéressante. Un titre : The Spring, qui évoque une renaissance, un retour à la vie. Pourtant, ce morceau d'intro est lent, sombre, flétri, morne. Et surtout, il n'y a pas de batterie. Tout est mis en place pour nous annoncer un album lourd et déprimant.


Et puis vient Misses.


Misses est probablement l'une des plus tristes et plus belles chansons que je n'ai jamais écouté. Traitant -comme son nom l'indique- de l'absence et de la disparition soudaine, les paroles presque naïves (spécialité du groupe, ne l'oublions pas), lui acquiert une émotion rarement atteinte ; et puis finir sur des "I miss you" répétés à l'infini, de quoi vous laisser des frissons...


Les deux pistes d'intro viennent donc de nous livrer les deux facettes, qui feront tourner l'Everest autour du thème de la mort. Tout l'album en est teinté, si ce n'est Rorschach, cette pause rock-électro bienvenue. Tantôt dans le déni (avec le simplement intitulé Not Dead), tantôt dans le narratif avec Mallory's Height qui parle d'alpinistes perdus dans les sommets ou Wars, l'histoire absurde d'un guerrier sans armée.


Everest est un album beaucoup plus mature que ces prédécesseurs. J'ai dit que les paroles (de Misses mais ça s'applique à toutes) sont naïves, mais c'est le peu de naïveté qui reste du groupe. Finis les accords basiques de guitares, dans Everest ils sont bien plus travaillés (ou mieux accompagnés : dans Misses, c'est notamment grâce à cette batterie qui prend une place capitale et au synthé qui double un riff déjà très complet). Les compos sont plus intenses et cherchent davantage dans les sonorités électroniques (principalement en fin d'album avec les quelques titres déjà cités, notamment Wars et Rorschach), tout en complexifiant leur atmosphère (la boucle hypnotique de Wars et surtout surtout ce crescendo épique de Mallory's Height, mon morceau préféré du groupe). Toutefois, les Girls font encore la part belle aux chansons accoustiques, comme les très belles Here I Belong et Head On, même si elles aussi ont connu une maturité, étant plus sérieuses, plus sombres.


Totalement à l'opposé des autres albums du groupe qui mettaient en avant une certaine insouciance, Everest est forcé d'être un album triste, déprimant, lourd, mais sincère. L'émotion envahit l'album, pour nous livrer une musique profondément ancrée dans l'humeur des musiciens. J'ai quelques réticences avec We Are the Living et Changes Will Be Lost, mais le reste de l'album est d'une qualité exceptionnelle, visant avec justesse un sentiment pourtant profond.


Comme pour les autres albums, Everest est facile à appréhender, mais il vous laissera sûrement une impression bien plus intense.

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le 31 mars 2020

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