On sait bien que l’Americana, un peu moins que la Country Music mais quand même, c’est un problème en France. Quand on voit que même une pointure comme Tom Petty a toujours été regardé avec un peu de dédain par la critique musicale française, il est compliqué d’essayer de convaincre qui que ce soit de prêter un tant soit peu d’attention à un groupe comme The Cactus Blossoms, dont les albums ne sont pas régulièrement sortis en France, et qui propose une Americana polie et douce comme un galet.

Avec Every Time I Think About You, on parle quand même du quatrième album déjà du duo de Minneapolis formé par Jack Torrey et Page Burkum, à peu près inconnu de ce côté de l’Atlantique : la preuve, ils n’ont joué qu’une fois sur scène à Paris, voici dix ans déjà, et c’était pour assurer une première partie ! Pourtant, dès leurs débuts, The Cactus Blossoms se sont fait remarquer aux USA avec leur mélange – que l’on qualifiera d’intemporel pour ne pas les accuser d’être « classiques », voire « vieux jeu » – de mélodies à la Everly Brothers ou The Byrds. Avec eux, on est dans le respect de l’esprit « authentique » des fifties et des sixties, mais avec, heureusement, une touche contemporaine, en particulier dans la production, élégante et très soignée. Avec Everytime I Think About You, le duo poursuit son évolution musicale vers une pop-folk raffinée, en alliant introspection douce et arrangements (un peu) plus modernes (pas de synthés ni d’auto-tuning ici, soyons clairs !)… tout en restant, et on les en remercie, en fait, fidèles à leur ADN !

Prenez la chanson titre, Everytime I Think About You : voilà un parfait exemple de ballade mélancolique illustrant leur talent dans la traduction d'émotions retenues à travers des harmonies vocales classieuses et une instrumentation délicate. C’est un peu la tonalité générale d’un album qui privilégie la douceur, dans une atmosphère parfois élégiaque. On pense par exemple à la magnifique Go On, qui est l’un des sommets émotionnels du disque : « The night before / The morning when I saw the storm / You tried to warn me then / Was I naive? / To think that we wouldn’t have to leave? » (La veille au soir / Le matin où j’ai vu l’orage / Tu as essayé de me prévenir alors / Étais-je naïf ? / De penser que nous n’aurions pas à partir ?). Ou encore au très atmosphérique Statues, que David Lynch aurait certainement aimé utiliser dans l’un de ses prochains films si une telle chose avait pu exister. Ou dont Roy Orbison aurait fait une magnifique reprise s’il était encore là pour nous enchanter…

Toute cette suavité ne veut pas dire que l’album n’abrite pas quelques moments un peu plus animés, comme le réjouissant Keep Walking, qui renvoie à l’héritage rock’n’roll du groupe (doux, le rock’n’roll, quand même), ou le plus franchement « pop » There She Goes, que l’on a immédiatement envie de chanter avec eux : « It’s a goddam shame that it’s come to this / Can people change or is this how it is? » (C’est vraiment dommage que l’on en soit arrivé là / Les gens peuvent-ils changer ou est-ce comme ça que ça se passe ?).

The Cactus Blossoms montrent avec cet album qu’ils sont des artisans – au sens profond du terme – de haut niveau de la mélodie, mais aussi des conteurs capables de tisser des récits musicaux évocateurs. Oui, Every Time I Think About You est un disque à savourer au calme, une tasse de café américain ou bien une Bud à la main. Mais le mieux, ce sera sans doute sur scène…

[Critique écrite en 2025]

https://www.benzinemag.net/2025/01/29/the-cactus-blossoms-every-time-i-think-about-you-lamericana-tout-confort/

Eric-BBYoda
7
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le 29 janv. 2025

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