Extremities, Dirt and Various Repressed Emotions par idlewoodarian

Extremities est loin d'être un des Killing Joke les plus connus. Il fait pourtant office de retour en force des maîtres : avec leur premier album éponyme, les Anglais avaient en effet plus que contribué à la naissance du rock industriel, genre dont ils s'éloignèrent pourtant au fil des années 80. Pendant que Godflesh, Nine Inch Nails & Cie s'inspirent de leur post-punk abrasif et tribal, la bande à Jaz s'oriente vers une musique plus pop (toutes proportions gardées), avant la catastrophe Outside the Gate. Après un obscur album de discours sur fond de gratouillage de cordes, le groupe revient donc à l'aube de cette nouvelle décennie dans une nouvelle formation. Jaz et Geordie sont évidemment toujours là (sans eux, pas de Killing Joke – ça en dit long sur Outside the Gate, dans lequel Geordie n'a joué qu'un petit rôle), Paul Raven revient à la basse et Martin Atkins débarque de Public Image Ltd. pour la batterie. Notre équipe de choc est prête à affronter un futur obscur et Extremities démarre en mettant les pieds dans le plat : les deux premiers titres "Money Is Not Our God" et "Age of Greed" sont autant de charges violentes sur les excès du capitalisme. Le premier titre fait office d'introduction punk avec un chant bien revendicatif et une basse affreusement lourde et crade contrastée par la guitare de Geordie qui a toujours ce son unique, presque éthéré (tout en restant relativement lourd). "Age of Greed" est également un titre entraînant mais l'ambiance prend déjà du plomb dans l'aile... Une orientation concrétisée par "The Beautiful Dead". À mesure que l'album avance, l'atmosphère se fait plus noire et souterraine. Une fois rendu sur "Extremities", on se rend compte qu'on est piégé dans la sombre machination orchestrée par Jaz, dont les thèmes sont désormais moins terre-à-terre et plus mystiques (une approche perpétuée sur l'album suivant Pandemonium). Un titre sur lequel le groupe alterne également passages très rapides pour ne pas dire bourrins et moments plus calmes, atmosphériques voire mélancoliques. Avec "Intravenous", on commence à être complètement désorienté, perdu dans le labyrinthe souterrain dont Jaz devient un guide inquiétant. Les riffs et les rythmiques sont toujours plus intenses, les quelques utilisations de clavier apportant un grain de folie ou poussant la noirceur encore plus loin, comme sur "Inside the Termite Mound". Un morceau qui, avec le suivant "Solitude" est pour moi le sommet de l'album et un passage plus poignant, voire émouvant. Le chant de Jaz semble désormais avoir perdu toute sa rage pour ne plus être qu'une sorte de commentateur illuminé de la déchéance d'une civilisation qui n'a plus vu le Soleil depuis un bon moment. Et toujours cette intensité, cette formidable cohésion entre la batterie, la basse et la guitare, confinant à une sorte de groove instrumental, ce son poussiéreux et oppressant... Killing Joke montre que le rock industriel peut se jouer avec ces trois simples instruments et pas grand-chose d'autre ; il y a en effet très peu de samples et presque aucun effet électronique. Il y a quand même pas mal de grincements métalliques d'origine inconnue, comme sur le nerveux "North of the Border", ajoutant à la dimension urbaine et désolée de l'album. La guitare de Geordie Walker est elle vraiment impressionnante, surgissant de passages atmosphériques en dressant un mur de son complètement noisy et opaque, mais si texturé... L'album se termine sur le court instrumental au synthé "Kaliyuga" qui, comme son titre le laisse entendre, en parachève la dimension mystique, avant d'embrayer sur le final toujours aussi nerveux "Struggle" fait de cavalcades à la batterie et du chant presque possédé de Jaz. On ne connaît pas trop les tenants et aboutissants de ce qui vient de se dérouler dans nos oreilles mais on sort lessivé de l'écoute, d'une telle fusion entre post-punk, rock industriel et rock gothique. Extremities en trois précédents albums de Killing Joke ? L'intensité de leur premier opus, la lourdeur de What's THIS for...! et le mysticisme de Revelations ! Les éclats de rire du groupe à la toute fin du disque sont loin de détendre l'atmosphère après une telle baffe, bien au contraire...

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