Kamasi Washington – Fearless Movement – (2024)
Voici venu le dernier double LP de Kamasi Washington, dans la lignée des deux mastodontes, « The Epic » et « Heaven and Earth », et par bonheur assez éloigné du décevant « Becoming », BO du docu de Nadia Hallgree qui retraçait l'histoire de Michelle Obama. L’E.P. « Harmony of Difference », antérieur, puisqu’il datait de deux mille dix-sept a laissé par contre un bon souvenir…
On pourrait donc dire que ce « Fearless Movement » est le troisième, parmi les grands travaux de notre Hercule du jazz. J’ose la comparaison car sa musique possède incontestablement une dimension épique, avec ce « je ne sais quoi » de surhumain qui la distingue de sort commun et habituel, de la norme usuelle. Pourtant celui-ci ne dure qu’une heure et vingt-six minutes, comparativement aux trois heures de « The Epic » et même encore un peu plus pour « Heaven and Earth », il pourrait faire pâle figure !
Pourtant l’écoute nous révèle qu’il joue dans la même cour et qu’il appartient à cette catégorie, précisément par ce souci typiquement central chez Kamasi de créer des trames dramatiques, denses et tendues qui glorifient le sentiment de dépassement de soi, contenant une sorte d’héroïsme, le propos du compositeur saxophoniste est semblable à celui d’un cinéaste qui fait du Cecil B. DeMille, à ceci près que Kamasi s’en tient à la musique et laisse à l’auditeur le soin d’imaginer le film.
A ce stade je fais un aparté pour vous dire que j’ai assisté à une retransmission d’un concert télévisé du gars et que c’était vraiment très bon, les musiciens sur une seule ligne, ce qui est assez inhabituel, tous excellents, avec une chanteuse remarquable et un final éblouissant, la durée de la représentation était habituelle.
Pour en revenir à l’album il y a quelques invités, George Clinton, Andre 3000, le rappeur D Smoke, le bassiste Thundercat, et d’autres encore car ils sont très, très nombreux à s’afficher dans les crédits, au point qu’il n’est même pas envisageable de lister. On retrouve également le goût, désormais assez commun, de vouloir fusionner les musiques cousines en une seule.
Ainsi le rap, le rythm’n blues, le hip hop fusionnent-ils avec le jazz, créant cette couleur « mode » à laquelle beaucoup succombent désormais. A ce titre Kamasi s’éloigne de l’idiome jazz tel qu’il est communément admis, reléguant tous les post bop et la « free music » dans les vieilleries et les curiosités. Son jeu au sax est d’ailleurs plutôt conventionnel, si ce n’est qu’il aime se frotter aux sonorités électriques nouvelles.
Sans surprise, dans ce décor, l’introduction et la conclusion sont très soignées, entre « Asha The First » et « Prologue » d’Astor Piazzolla, et constituent ce que l’on pourrait considérer comme le meilleur, même si, bien sûr il y a des fulgurances tout du long, mais aussi parfois un peu de mou, que l’on oublie vite sur cet album marathon, qui restera, tous comme les précédents, un marqueur parmi les sorties annuelles.