Focus III
7.6
Focus III

Album de Focus (1972)

L'initiative « Hocus Pocus » lancée au fer rouge comme single détonnant sur le précédent album a plus que porté ses fruits. Le morceau est même modifié pour les besoins de la cause : raccourci de moitié et passant à 3mn au lieu des 6 initiales et avec un tempo accéléré pour en faire un titre bien plus hard-rock que purement progressif (quitte à donner une image caricaturale du groupe) pour le marché américain, Focus détonne.


Le groupe poursuit sur sa lancée aux mille merveilles et entend bien rester au top, surtout ici en délivrant un double vinyle assez gargantuesque qui lui donne la possibilité d'aller encore plus loin dans sa quête mélodique maniant aussi bien la finesse d'écriture à un rock parfois plus épique. Quand Thijs et sa bande entrent au Olympic Studio n°2 en juillet 1972, ils sont voisins d'un certain génie britannique, un certain David Bowie qui enregistre alors à ce moment-là « The rise and fall of Ziggy Stardust and the spiders from Mars » juste à côté, au studio n°1. On pourrait dès lors se demander s'il n'existe pas une certaine forme d'émulsion où la créativité se nourrirait des deux côtés du mur... A part que Bowie livre là un parfait disque de glam-rock qui va influencer des générations d'ados des quatre coins de la planète tandis que Focus livre rien de moins que l'un des meilleurs albums de rock progressif qui soit. Et le côté cartoon du groupe existait bien avant ce déménagement pour l'enregistrement de ce troisième volet de leur saga donc ce n'est pas comparable à ce point. Du moins je ne le pense pas. C'était pour l'anecdote un brin people huhu.


Parfait descendant d'un « Hocus Pocus » mais heureusement moins dans la déconne (car on va en manger par la suite du Hocus Pocus ne rêvez pas, à toutes les sauces hélas : en compiles, en morceau bonus, en version raccourcie remixée, en titre à peine repris en clin d'oeil sur le Focus des années 2000...), « Round goes the gossip » ouvre le bal avec un certain panache. Doté d'influences classiques et basé sur des paroles en latin issues de Virgile (70 avant J.C – 19 après J.C), passionnant d'énergie tout en ralentissant adroitement le tempo, il représente une parfaite synthèse de l'art d'écriture du groupe.


Sur ce même disque on a aussi des merveilles mélancoliques et poignantes qu'on jurerait issues d'une bande originale de film comme « Love remembered » ou « Focus III » tandis que « Sylvia » est un thème dynamique fort adroit : à l'origine doté de paroles et chanté par Sylvia Albert en background, la sauce ne prend pas et Thijs Van Leer réécrit le tout dans une version instrumentale qui va être un hit (le single est numéro 4 dans les charts britanniques). L'incursion Moyenâgeuse « Elspeth of Nottingham » permet à Jan Akkerman de tout jouer comme à l'ancienne sur un lute, et là aussi ça paye car le titre dégage une certaine magie d'authenticité (on jurerait que ça a été écrit au 16ème siècle).


Et puis on a les gros morceaux purement progressifs que sont les presque 14mn de « Answers ? Questions ! Questions ? Answers ! » (nan mais ce titre...) et « Anonymus II » de 26mn.


Et curieusement de mon point de vue, c'est le titre le plus long qui pêche un peu ici (attendez avant de me balancer les tomates, merci). Thijs et Jan ont voulu à la base reprendre, réécrire et rallonger le « Anonymus » de 6mn43 du premier album (lequel n'était pas parfait non plus au départ il faut dire). Sauf que ce titre avait été certes un peu coupé mais de fait, gardait une concision brut qui en faisait tout le sel. Ici la jam est appréciable, les mecs se font plaisir mais voilà on se surprend un peu (enfin dans mon cas toujours) à regarder un peu sa montre. C'est bien ? Oui mais un poil trop long, la magie ne marche plus autant, surtout par excès de zèle.


En revanche, « Answers... » est monstrueux.
La même énergie, la même alternance de beauté sensible et de rock furieux qu'on pouvait avoir dans le superbe « Eruption » de 23mn de l'album précédent. On sent bien pour le coup toute la passion de Thijs sur sa flûte, la douceur mais aussi les joutes enfiévrées d'un Akkerman sur sa guitare, comme s'il était dans la fièvre, qu'il savait qu'il allait disparaître bientôt. Surtout la progression tient du sans faute, comme si les musiciens se répondaient d'un bout à l'autre et le guitariste joue presque comme le Neil Young de ce début de seventies là, c'est dire le niveau : sans s'arrêter mais avec une joie furieuse toujours renouvelée de bout en bout.


Jesus que ma joie demeure ? Jan, que ta joie demeure. Ah bordel, que ça fait du bien.

Nio_Lynes
9
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le 17 déc. 2019

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Nio_Lynes

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