Jim Morrison, le poète américain, décède le 3 juillet 1971 à Paris. Après un enterrement quasi-anonyme, la nouvelle est annoncée au monde, qui se tourne rapidement vers les collègues du roi lézard, les Doors survivants, cherchant des hommages, des inédits. Il n'en sera rien, voici la partie la plus sombre et méconnue de l'histoire des Doors en tant que groupe, aujourd'hui nous parlons de Full Circle, huitième album studio du groupe et deuxième sans Jim, sorti le 15 août 1972 chez Elektra.
Donc, les Doors ne s'arrêtent pas, bien que selon certains le groupe n'ait aucune légitimité en l'absence de son charismatique leader, considérant donc les deux albums post-mortem comme sans intérêt. Other Voices, le premier, sort dès octobre 1971, c'est à dire très peu de temps après la mort de Morrison. Enregistré comme L.A. Woman, dans le Workshop du groupe avec l'ingé son et coproducteur Bruce Botnick, il contient des instrumentaux qui avaient déjà été travaillés lorsque le chanteur était toujours en vie, dans l'optique d'un retour rapide de Paris. Cependant, c'est Ray Manzarek, claviériste, et Robby Krieger, guitariste, qui s'occupent des vocaux. Avec le batteur John Densmore, voici les Doors réduits à un trio. Quelques pistes ont été envisagées pour remplacer Jim, comme le transfuge des Stooges Iggy Pop (plutôt logique) ou le bassiste des Beatles Paul McCartney (quoi?), mais aucunes ne furent concluantes. Comme l'annonce si bien Genesis: "And then, they were three"...
Après le bon classement d'Other Voices (31ème au Billboard, pas mal) et le succès de la tournée, innatendu, l'espoir renaît dans la formation, et cela les convainct de rempiler pour un deuxième album, Full Circle. Pour cela, ils décident de bouleverser leurs habitudes, en quittant le Workshop pour les A&M Studios de Los Angeles et en remplaçant Botnick par Henry Lewy, qui amène avec lui une belle floppée de musiciens de studio, comme Charles Lloyd, saxophoniste et flûtiste qui les accompagnera en tournée. Un saxo chez les Doors, voilà bien quelque chose d'original!
Mais enfin , que contient donc cet album, si décrié par les fans ? En fait, nous assistons à la fusion des Doors avec le jazz, le funk et la musique latine. Le souhait de Manzarek d'explorer le jazz fut en réalité contrecaré par Densmore et Krieger, souhaitant rester dans une voie très rock, engendrant ainsi quelques tensions. Il est clair que nous sommes loin du blues-rock de L.A. Woman et Morrison Hotel, ou même du psychédélisme assez pesant des premiers albums. C'est en ça que Full Circle se révèle original.
Il y a de très bons titres sur ce disque, comme le funk complexe de "Verdilac", le très psyché "The Piano Bird" de Manzarek, vraiment superbe et très bon aperçu de la bande FM de l'époque, ou le hit "The Mosquito", très latino et beaucoup repris, notamment en France par notre Joe Dassin national. Le seul souci, c'est que l'album manque de prétention, aucun titre n'est en soit fonciérement mauvais, mais certains ne sont en aucun cas mémorables. On peut citer ici "The Peking King And The New York Queen", vaine tentative de Manzarek de sonner comme le Genesis de Peter Gabriel, ou le rock détaché "It Slipped My Mind", agréable mais trop détaché, sans conviction. De même, il peut être normal d'être décontenancé par le titre d'introduction, "Get Up And Dance", noyé dans les choeurs féminins, très surprenant pour les Doors, on salue évidemment la démarche artistique mais la satisfaction n'est pas au rendez-vous.
Bref, il est certain que le tout manque de conviction et de portée, chanté et joué de manière très (trop?) nonchanlante. En soit, l'album est assez psychédélique, comme le montrent "The Piano Bird" ou "The Mosquito", mais soyons honnêtes, qui le psyché daté des Doors peut-il encore bien intéresser en 1972, à l'heure de l'émergence du glam ou du hard ? Sous sa pochette chargée, Full Circle est un échec relatif, le public à du mal à se retrouver dans ce nouveau concept, et commence à regretter Morrison.
Le groupe tournera, avec son saxo et ses "Other Voices" (le surnom donné aux choristes), mais on sent un étouffement, un lassement, de la part du public comme des musiciens. Finalement, tout le monde s'en rend compte: il faut que cela cesse.
Entamant des carrières solos, les survivants se retrouveront en 1978, pour élaborer l'hommage compliqué à son leader décédé: An American Prayer, mais ça c'est une autre histoire ...
Full Circle, en demi teinte, un retour aux sources et des explorations ratées.
Full Circle, full album
"Verdilac"
"The Piano Bird"