Genesis
6.6
Genesis

Album de Domo Genesis (2016)

Comme dans tout grande collectif, certains noms mettent plus de temps à sortir que d’autres. Après Tyler, The Creator et Hodgy Beats, au tour de Domo Genesis de briller. Ou du moins d’essayer.


A appeler son premier album Genesis, Domo Genesis ne laisse aucune place au doute. A 25 ans, le rappeur d’Odd Future a encore énormément à prouver, la faute à des sorties solo toujours remarquées mais ne laissant jamais la lumière briller intégralement sur le MC. Celui qui a souvent été associé à Alchemist et Mac Miller (on a vu pire comme CV) a désormais tout à prouver dans un vrai projet solo. Réponse à nos interrogations en 12 titres.


Première constatation. Dès les premiers morceaux, et sur tous les autres de Genesis, Domo Genesis a changé de direction. D’une verve troisième degré et particulièrement sombre, le rappeur semble être aujourd’hui en pleine période d’exploration personnelle. Pour être honnête, on comprend un peu pourquoi. Alors qu’il a vu ses coéquipiers briller à l’international, lui, à 25 ans, continue d’être la troisième roue du carrosse. S’il possède ça et là une fanbase loin d’être fantomatique, Genesis semble être l’opération de la dernière chance. Domo le sait. Domo le sent. Ce n’est pas un hasard si la production de l’album a mis du temps à se développer. Exemple parmi tant d’autres, le « Go (Gas) » en compagnie de Wiz Khalifa, Juicy J et Tyler, The Creator date… de 2013. Une trotte.


Plus qu’une volonté de perfectionnisme, Domo Genesis se pose mille questions. Plutôt que de se laisser paralyser par le doute, il l’utilise comme vecteur de son inspiration. De « Akward Groove » à « Questions », les paroles sont posées, le flow maîtrisé. Pour un résultat peut être un peu trop propre, d’ailleurs. Le MC cherche absolument à éviter le faux pas. C’est que le propos soutient cette thèse. Même porté par la voix réconfortante de sa mère avec « One Below », dans une quasi-hagiographie, lorsque Domo reprend le micro, que la batterie jazz se mue en Hip Hop, il subsiste encore pas mal de questionnements dans la tête de l’artiste. Sûrement les mêmes qui l’ont empêché de briller en même temps que les autres membres d’Odd Future.


Éclaircie funky


Que ce soit sur « Wanderer », une ballade à la Nujabes produite par Cam’Obi ou « Questions », tentative bizarroïde de vague psychédélique non dénuée d’intérêt, Domo Genesis étale son spleen autant qu’une capacité assez phénoménale à douter de lui même. Il faudra attendre le bouncy et groovy « My Own » pour que Domo inverse enfin la tendance. Cette fois, si lui a conscience de ses qualités, personne ne croit en lui. Comme une pression permanente, cette fois extérieure, d’un jugement constant. Lourd. JMSN a beau jouer les dandys sur les refrains, la lune éclipse bien le soleil.


Heureusement, à partir de ce cinquième titre, le propos s’éclaircit en même temps que les productions. Exit les tristes sérénades jazzy ou psyché et bienvenue aux rythmes soul et funky. Produit par SAP et accompagné de Mac Miller, « Coming Back » se targue d’un bon vieux boom bap et d’une basse de circonstance pour un résultat plutôt positif. Même constat sur « Faded In The Moment », cette fois définitivement placé sous le signe du groove. Une chanson d’amour lancinante et élégante, donc à mille lieux d’un R. Kelly. Le climax de cette période ensoleillée arrive avec Anderson .Paak. Celui qui est partout, ces derniers temps, apporte son univers et boufferait presque Domo à Malibu le temps de « Dapper ». Le contre-pied face au flow (trop ?) relâché et nihiliste de Domo Genesis est saisissant.


Après « Brotha » un hymne enfumé qui lui permet de retrouver LeftBrain, son pote du temps de sa collaboration MellowHype, Domo Genesis retombe dans ses travers sur « All Night ». De nouveau, les craintes du début d’album reviennent telles une épée de Damoclès. Domo est-il un vrai artiste ? Un de ceux qui durent, qui comptent ? Dans une atmosphère de sombre ruelle de sortie de boîte de jazz douteuse, sous une pluie battante, Domo, sans prétention, sans fatalisme non plus, narre la manière dont il se regarde le miroir. En toute humilité. D’un coup, le charisme ne compte plus. Nous sommes ici dans une anti-identité. Une attitude à risque, tant la démarche est peu sexy. Mais s’il y a bien quelque chose à retenir de ce Genesis, c’est bien son entreprise directe et dénuée de toute parure.


A 25 ans, même avec une voix et une interprétation maligne, plutôt de qualité, Domo Genesis est-il à son maximum ? On en doute. On aurait aimé ne pas perpétuer à l'infini la comparaison avec les autres membres d'Odd Future. Pourtant, dans le propos autant que dans la musique, Domo Genesis nous force la main. Alors, on se contente d'un excellent travail, certes, mais un excellent travail toujours entaché d'une éternelle comparaison. A toujours se remettre en question, Domo se contraint, se freine. Il manque à Genesis ce grain de folie, de touché qui font des albums réflexifs de grands albums. Une petite déception.


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Hype_Soul
6
Écrit par

Créée

le 3 avr. 2016

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