GNX
7.7
GNX

Album de Kendrick Lamar (2024)

Kendrick Lamar est connu pour transcender les attentes. Avec GNX, il livre non seulement un album puissant, mais aussi un manifeste, un point culminant après une année marquée par sa rivalité légendaire avec Drake.


Ce clash, bien plus qu’un échange d’insultes, a mis en lumière deux visions diamétralement opposées du rap. Kendrick, pilier du rap conscient, contre Drake, figure de la commercialisation du genre. Si Not Like Us marquait un point décisif dans cette bataille, GNX en est la conclusion triomphale.

Kendrick aurait pu s’arrêter là, mais son sixième album va plus loin. Moins introspectif que Mr. Morale & The Big Steppers mais tout aussi réfléchi, GNX célèbre son ascension tout en explorant l’avenir du hip-hop. L’album, avec ses influences West Coast, ses références personnelles et ses productions modernisées, nous rappelle pourquoi Kendrick est un génie de sa génération.


Le mystère derrière le titre : GNX

Le choix du titre GNX est loin d’être anodin. Il fait référence à la Buick Regal Grand National Experimental (GNX) de 1987, une voiture emblématique qui marie élégance, puissance et design futuriste. Pour Kendrick, né en 1987, cette voiture représente plus qu’un simple symbole de luxe : elle est un lien direct avec son enfance et sa famille.

Selon plusieurs témoignages de fans, c’est dans une GNX que Kendrick a été ramené chez lui après sa naissance. Dans les années qui ont suivi, il jouait avec des voitures télécommandées GNX, développant un attachement émotionnel à cette voiture mythique. La couverture de l’album, où il pose fièrement contre une GNX parfaitement restaurée, reflète cette connexion personnelle tout en renforçant l’idée d’un Kendrick intemporel, prêt à réinventer son futur.

La GNX incarne également les thèmes centraux de l’album : la résilience, l’élégance et l’ambition. Tout comme cette voiture était en avance sur son temps, Kendrick se positionne ici comme un artiste à la fois fidèle à ses racines et visionnaire.


La renaissance de la G-Funk

Un spectre sonore varié et audacieux

Musicalement, GNX est un mélange de sonorités et de styles, alliant modernité et nostalgie. De la réinvention du G-Funk à des morceaux trap énergiques, l’album offre une variété qui démontre la polyvalence de Kendrick. DJ Mustard, Sounwave et Jack Antonoff se partagent la production, chacun apportant sa touche distinctive.

Contrairement à Mr. Morale & The Big Steppers, complexe et introspectif, GNX est plus accessible, rappelant l’énergie et la simplicité de DAMN.. Cependant, derrière des morceaux plus "club-friendly", Kendrick reste fidèle à son habitude d’inclure des couches de signification dans ses textes.


Analyse des morceaux marquants

1. Wacced Out Murals : Une ouverture explosive

L’album s’ouvre sur une note audacieuse avec Wacced Out Murals. Ce morceau, construit sur des sirènes et des cordes staccato, est une déclaration de guerre. Kendrick règle ses comptes avec ceux qui l’ont trahi ou critiqué pendant sa rivalité avec Drake, notamment Snoop Dogg pour avoir partagé une diss track générée par IA et Lil Wayne pour son mécontentement face au choix de Kendrick pour le Super Bowl.

I painted the world but they erased my murals, so I carve my name in stone.

Ce vers témoigne de sa détermination à inscrire son héritage dans l’histoire, malgré les tentatives de minimisation de sa contribution au hip-hop.


2. Man at the Garden : Un hommage à Nas

Un des moments les plus forts de l’album, Man at the Garden rend hommage à One Mic de Nas, tant par sa structure narrative que par son intensité émotionnelle. Le morceau commence doucement, avec une tension croissante, avant de culminer dans un crescendo où Kendrick exprime ses frustrations envers l’industrie musicale et ses aspirations personnelles.

How annoying, does it anger me to know the lames can speak / On the origins of the game I breathe? That’s insane to me.

En reprenant l’idée de Nas d’utiliser une montée en intensité pour raconter une histoire, Kendrick crée un parallèle entre leurs deux trajectoires. Le beat drop final évoque directement One Mic, renforçant l’hommage tout en permettant à Kendrick d’exprimer sa propre quête de paix intérieure.


3. Reincarnated : Une renaissance spirituelle

Sur une production qui rappelle l’ère Dr. Dre d’Eminem, Kendrick explore le concept de réincarnation pour réfléchir à son parcours. Ce morceau mêle des références spirituelles et des réflexions personnelles, montrant un Kendrick à la recherche de sens.

Phoenix from the ash, I burn the past to light the future.

La chanson est également marquée par une référence à Isaiah 14, symbolisant la chute et la rédemption. À travers ce morceau, Kendrick célèbre son évolution, tout en reconnaissant les leçons tirées de ses erreurs.


4. TV Off : Une critique de l’authenticité perdue

Produit par DJ Mustard, TV Off est un banger prêt pour les clubs, mais il cache une critique de l’état actuel du rap. Kendrick y aborde la perte de valeurs authentiques dans une industrie obsédée par le succès commercial.

Few solid n**s left, but it’s not enough

Il se positionne ici comme l’un des derniers gardiens de la culture hip-hop, citant Notorious B.I.G. pour réaffirmer son rôle de leader :

Ain’t no other king in this rap thing, like siblings / Nothing but my children, one shot, they disappearin

5. Squabble Up : Une énergie brute

Teasé dans le clip de Not Like Us, Squabble Up adopte un style inspiré du hyphy californien. Ce morceau est une explosion d’énergie brute, où Kendrick démontre sa capacité à s’amuser tout en maintenant un niveau élevé de qualité.


Heart Pt. 6 : Une introspection récurrente

Avec Heart Pt. 6, Kendrick reprend une série emblématique qui explore son parcours personnel et artistique. Ce morceau aborde sa séparation avec Top Dawg Entertainment et la création de pgLang, son propre label. Il y réfléchit également sur ses relations avec ses anciens camarades, comme Ab-Soul et Jay Rock.

I guess my motivation was the yearnin’ for independence / Now it’s about Kendrick, I wanna evolve, place my skillset as a Black exec.

Ce morceau n’est pas seulement introspectif : il est un exemple de la manière dont Kendrick gère les transitions et les conflits.


Luther : Une collaboration luxuriante avec SZA

Dans Luther, Kendrick et SZA imaginent un monde idéal sur une production riche en orchestrations. Le morceau explore des thèmes comme la loyauté et la justice, tout en montrant une autre facette de Kendrick, plus émotionnelle.

Strictly with that fire, my enemies admire.

Gloria : Une lettre d’amour au hip-hop

Pour clôturer l’album, Gloria est une déclaration d’amour au rap. Kendrick y célèbre son parcours, de ses débuts modestes à sa position actuelle de leader. C’est un morceau qui met en avant sa résilience face aux défis.

Gloria, I’m still here, standing tall while the shadows fall.

Une production audacieuse et cohérente

Un des points forts de GNX est sa production. Avec Sounwave, DJ Mustard et Jack Antonoff aux commandes, l’album mélange des influences californiennes avec des sonorités modernes et des orchestrations luxueuses. Antonoff, connu pour son travail avec Taylor Swift, apporte une touche unique à l’album, tandis que Mustard et Sounwave ancrent les morceaux dans une tradition West Coast.


Conclusion : Une victoire éclatante et un nouveau chapitre

Avec GNX, Kendrick Lamar équilibre agressivité et réflexion, offrant un album qui célèbre à la fois sa domination et son évolution. Moins complexe que Mr. Morale & The Big Steppers mais tout aussi réfléchi, cet opus montre un Kendrick plus audacieux que jamais, prêt à repousser les limites du genre.

Entre morceaux explosifs comme TV Off et réflexions profondes comme Man at the Garden, Kendrick rappelle pourquoi il est une voix incontournable de sa génération. Avec GNX, il écrit un nouveau chapitre dans l’histoire du hip-hop, prouvant qu’il est à la fois un leader et un innovateur.

Un 9/10 bien mérité pour un album qui marquera les esprits pendant longtemps.


TanguyErbetta
9
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Créée

le 24 nov. 2024

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Tanguy Erbetta

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