C’est vrai que le titre de cette compilation est plein d’humour : « Greatest Hit » au singulier, voilà qui n’est pas fréquent ! Et en même temps, c’est parfaitement réaliste car leur discographie ne comprend vraiment qu’un gros tube, le très efficace « Pull me under » figurant sur leur album de 92, « Images and Words » qui reste aujourd’hui encore leur plus gros succès. C’est ce titre qui ouvre de façon logique cette compilation. Le groupe mené par Mike Portnoy et John Petrucci venait de recruter un nouveau chanteur, extrêmement doué, le Canadien James LaBrie et Dream Theater allait obtenir ici la recette gagnante, mélangeant la lourdeur du metal avec des riffs percutants de guitare et une rythmique puissante (sous inspiration Judas Priest, Metallica…) et le côté aérien, onirique, du prog grâce aux claviers (influencé par Rush, Pink Floyd, Marillion…). C’est d’ailleurs le claviériste Kevin Moore qui a signé « Pull me under » et il quittera le groupe quelques années plus tard. Sur ce titre, LaBrie avait demandé à leur ingénieur du son de lui faire une voix plus basse. Le carton a été immédiat, obligeant même les musiciens en pleine tournée à réaliser à la va-vite un clip qui en a encore amplifié le succès. Malheureusement, Dream Theater n’a plus connu du tout un succès de cette envergure et il faut reconnaître que leur discographie studio se révèle très inégale. Leur discographie live est presque aussi fournie mais elle se montre plus énergique, plus puissante, les musiciens étant d’une virtuosité exceptionnelle.
Cette compilation de 2008 se concentre uniquement sur des titres studio de 1991 à 2005 (aucun donc du 1er album de 89, « When Dream and Day Unite » avec Charlie Dominici comme chanteur). Elle est divisée en 2 parties, une par CD : « The Dark Side » centrée sur les titres les plus heavy et « The Light Side » pour le côté prog mélodique. Mike Portnoy a reconnu dans les notes du livret que le choix des morceaux et leur enchaînement avaient été pointilleux, soucieux de plaire aux anciens fans et de faire découvrir le groupe à de nouveaux. Exercice périlleux et compliqué qui n’est qu’à moitié réussi, on a plus l’impression que Portnoy s’excuse qu’il ne s’explique : les morceaux les plus prog et les plus longs qui les définissent avant tout, sont ici presque entièrement absents. Où est passé le chef d’œuvre épique « Metropolis part I » pour ne prendre qu’un exemple ?! On a droit à des versions abrégées de « Lie », « Home », « Misunderstood » et « Solitary Shell ». Est-ce que ça peut attirer des amateurs qui ne connaissent pas le groupe et qui n’auront ici qu’une vision tronquée de Dream Theater (osons le dire, volontairement commerciale, alors que le groupe n’a jamais cherché à l’être) ? Qu’est-ce que ça peut apporter aux fans de la 1ère heure qui ont déjà tout ? Si encore, un 3e CD avec des inédits live ou des demos avait été ajouté, mais ça n’est pas le cas. Portnoy laisse pourtant entendre cependant que ce 3e CD était prévu (c’est sans doute la maison de disques qui a mis son veto…). En 2h10 tout de même, ça finit par être lassant, on a plus l’impression d’un remplissage à ras-bord, un « produit » peut-être forcé par la maison de disques d’ailleurs, ce qui expliquerait l’ironie mordante du titre et de la pochette aussi.
Autant que les néophytes écoutent pour découvrir Dream Theater, les magnifiques « Images and Words », « Metropolis part II » ou encore « Six degrees of inner turbulence ». Et puis ajoutons-y les live indispensables car Dream Theater reste un des meilleurs groupes que vous puissiez voir en concert, comme le Live at Budokan ou le Live at Luna Park. Avec ça, il y a déjà de quoi passer quelques heures très agréables, cette compilation n’étant pas indispensable.