GUTS
6.8
GUTS

Album de Olivia Rodrigo (2023)

La culture du petit écran, est intimement liée aux différents gros succès musicaux des années 2010. En effet, pour le pré adolescent qui revient de son cours de technologie avec We’re never getting back together de Swift dans les oreilles avec un volume sonore bien au-delà du seuil recommandé, il accourt vers une télévision où les programmes sont aux « teen-movies/series » dont le monopole revient directement à Disney et son emblématique chaîne Disney Channel. Un véritable empire établi grâce à un processus de recrutement méticuleux et une aseptisation totale de ses programmes. Les jeunes acteurs étaient de vraies machines à sous et leurs vies précisément paramétrées, avec pour double casquette celle d’Acteur/Chanteur.

Par ailleurs si la mode était à la Pop/Rock début 2010, elle arriva en bout de course lorsque nous fûmes à l’aube de 2020, du moins c’est ce qui nous était laissé à croire. Jusqu’au moment où les cartes furent rebattues en 2023, année qui eut pour probable meilleur album, un de Pop/Rock. Et par-dessus le marché, élaboré par une élève de l’académie Disney Channel : GUTS par Olivia Rodrigo. Projet qui transpire le meilleur du rongeur.

Cependant la trajectoire que prenait alors la carrière d’Olivia Rodrigo avant GUTS ne semblait que trop conformiste et standardisée aux codes de l’industrie musicale, une direction aux allures repoussantes pour plus d’un amateur de musique. Cependant, sa réelle rampe de lancement musicale fut le single Drivers license qui apparaîtra sur son premier album Sour. Le single fait l’effet d’un véritable raz-de-marée. Aux penchants maximalistes, c’est une musique qui joue sur la progressivité et la construction musicale en incorporant à chaque couplet de plus en plus de détails. On y entend un timbre aux tendances très Billie Eilish et un mixage méticuleux. Tout comme la popstar emo avec son frère Finneas, Rodrigo trouva par la même occasion, le producteur avec qui la symbiose était parfaite. Depuis Drivers License elle formait dorénavant un duo indestructible avec son nouvel acolyte Daniel Nigro, qui produisit intégralement son premier album récompensé d’un Grammy Sour, puis plus tard GUTS. Producteur très loin de son premier coup d’éclat, car déjà installé dans le genre de la Pop grâce à des collaborations avec Caroline Polachek ou Carly Rae Jepsen sur l’acclamé Emotion.

La responsabilité qui incombait alors Olivia n’était désormais que plus grande après un succès aussi phénoménal que celui de Sour. Quand son premier album arpentait les déboires d’une rupture douloureuse aux tendances redondantes, GUTS lui, possède l’apparat des codes du récit initiatique. Ce deuxième album fait part d’un funambulisme musical millimétré, en passant par des balades pour lesquelles elle s’était déjà distinguée auparavant (digne d’un projet de Swift des grandes heures) jusqu’aux pistes punk-rock affirmées, héritières d’une Avril Lavigne ou de Weezer à l’époque de leur Blue Album.

Car malgré un album et deux années d’intervalles, la star de Disney Channel n’a pas perdu un iota de sa superbe en ce qui concerne les pistes plus tranquilles.

making the bed étant une illustration des plus probante de ce talent. Elle traite sur la sixième piste de son album de l’environnement toxique qu’elle entretient de sa propre cheffe avec la phrase évocatrice « But it’s me who’s been making the bed » et « And I’m playing the victim so well in my head ». Cela, après avoir énoncé toutes les déconvenues de sa vie de jeune adulte « Another thing I ruined I used to do for fun/ Another piece of plastic I could just throw away ». La structure musicale illustre également la dualité de ce comportement autodestructeur répété et la tristesse qui en découle. Avec un premier couplet et un premier refrain qui laisse apercevoir des guitares électriques saturées tirant vers le punk, mais plutôt apaisées. Pourtant, ce sont ces mêmes guitares qui offriront une explosion sensorielle aux alentours du deuxième tiers de la piste, c’est succulent pour l’oreille, on laisse une tristesse et une rage enivrante nous porter et nous redéposer sur la voix angélique du dernier refrain.

Cette ambivalence apparente est aussi présente sur l’un des plus gros succès du projet (et à juste titre) **get him back !**. Un hit qui relate du contresens total que représente parfois certaines émotions à l’égard de nos anciennes relations romantiques. Ici, l’interprète nous parle de l’une d’elles et du nombre presque équivalent de pensées aussi positives que négatives que lui évoque son ex, une sorte d’oxymore filée. « I want to get him back/ I wanna make him real jealous/Make him feel bad ». C’est une piste emplie d’humour, c’est chanté avec un air désinvolte et ironique parfaitement trouvé « I wanna break his heart then be the one to stich it up/ I wanna meet his mom to tell her son sucks ». get him back ! a tout d’une excellente piste de Pop-Rock tant au niveau de l’écriture qu’au niveau de la composition. On y trouve des batteries invasives dès les premières secondes, la voix de l’interprète est quadruplée pendant le refrain et doublée pendant l’entièreté de la piste. Les guitares y sont acérées comme des rasoirs, on jubile. GUTS incarne parfaitement le questionnement permanent que représente la vie d’un jeune adulte, l’insécurité d’un jour « I could change up my body and change up my face/But I’d always feel the same/’Cause pretty isn’t pretty » du titre éponyme aux allures 80’s. A l’impétuosité d’un autre « I make light of the darkness, I’ve got sun in my motherfuckin’ pocket » sur l’intro all-american bitch.

Le deuxième album d’Olivia Rodrigo, par son message, pose beaucoup de questions comme l’ultime « they all say it gets better the more you grow/but what if it don’t ? » lors de l’outro teenage dream, mais n’offre que peu de réponses car l’auteure n’en dispose pas encore et ce n’est tout simplement pas le but du projet. GUTS offre une identification commune à de nombreux auditeurs et aspire à donner un élan de courage pour certains et un réconfort pour d’autres. Comme son titre l’indique c’est un album qui ose questionner, qui a le cran d’avancer.

La catégorisation de certains genres musicaux à cause des canaux de diffusions et de promotions dont ils usent, a la malheureuse tendance à mener au mépris et à l’ostracisme de certains noms ou registres musicaux comme celui d’Olivia Rodrigo ou celui du genre de la Pop-Rock. Pourtant se laisser happer et s’offrir à l’inconnu, l’expérimentation ou la redécouverte en transcendant les pauvres clichés qui nous séparent d’excellentes expériences musicales est l’une des plus grandes qualités dont chaque auditeur de musique devrait faire preuve, aussi moralisateur que cela puisse paraître. Il est donc vivement recommandé d’aller écouter GUTS, de s’ouvrir intellectuellement et de s’abandonner au meilleur album de l’année. Revivre un véritable teenage dream.

Rayane_
8
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le 7 janv. 2024

Critique lue 373 fois

7 j'aime

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