David Vincent les a vu.
Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une rame solitaire de RER à la recherche d'un raccourci que jamais il ne trouva. Cela a commencé par un festival abandonné et par un homme qui a entendu de la musique et ne trouvait plus sa route. Cela a commencé par l'atterrissage d'un vaisseau d'une autre galaxie (la galaxie WARP) et peuplé de musique électronique. Maintenant, David Vincent sait qu'ils sont là, que leur musique s'est répandue et qu'il lui faut prévenir une humanité trop crédule de ses oreilles et de ce qu'elle n'a pas encore entendu...


Qu'est-ce que Squarepusher ?
Ou plutôt qui est-il ?


Car derrière cet alias se cache Thomas Jenkinson, multi-instrumentiste touche à tout né en janvier 1975 et dont l'art consisterait à assembler comme un dément des mélopées acid-jazz à de la drum and bass sur fond de musique électronique sévèrement agitée. Mais en soit, même tenter de décrire sa musique est encore trop réducteur. Ceux qui connaissent celles d'Aphex Twin et Amon Tobin ne devraient pourtant pas être trop perdus puisqu'on navigue parfois dans les mêmes eaux.


Après un premier disque sur le label Rephlex (où donc Aphex Twin – Richard D. James-- loge un peu plein de potes et d'artistes qu'il apprécie) qu'on qualifiera d'un peu expérimental par moments mais quand même accessible et qui passe totalement inaperçu il faut dire, Jenkinson émigre ensuite sur le fameux label WARP, référence en matière de musique électronique des 90's et 00's (où l'on trouve également... Aphex Twin, ahem).


Et même si son premier disque, « feed me weird things » contient déjà les germes principaux de son style, le bonhomme va ici faire évoluer sa musique à de plus larges horizons sans jamais renier son amour du rythme parfois effréné mais toujours savamment et intelligemment agencé. On peut se perdre dans les compositions de Squarepusher (le gars est fort) mais on trouve toujours à s'y raccrocher l'instant d'après (le gars est fort). Du moins sur ce second mais premier véritable album (et le gars est fort).


Prenons deux titres à disséquer, vous allez comprendre.


« Fat controller » tiens (« grosse manette de console de jeu » si on traduit le titre. Gné ? O_o ). On commence industriel à fond alors qu'un rythme nous entraîne lentement. Alors méchamment des sons binaires agressifs arrivent et coupent ça momentanément puis sur fond de batterie groovy les bruitages industriels reprennent. L'agencement en devient jouissif surtout quand des espèces d'explosions se font entendre. Techno-indus ? Electro-déglinguée ? A 2mn25 des scratchs électroniques se font entendre puis vers 2mn50 de véritables scratchs sur vinyles comme les DJ avec même bruitages et phrases venant du hip-hop ! Et une basse lascive mais dynamique avec un son à la Marcus Miller (Jenkinson est d'ailleurs un excellent bassiste il faut dire) qui se faufile entre tout ça, il faut l'entendre, sérieux ! Wow. Cela sera un peu hard et épuisant si vous n'y êtes pas habitué mais moi j'y prend mon pied.


Ou bien tiens, le superbe « Papalon ». C'est une batterie qui ouvre tranquillement la composition, suivie par les notes fleuries d'un synthétiseur où l'on croirait également entendre des notes samplées de... clarinette ? La mélodie semble se construire en directe ensuite, sous nos yeux, pardon nos oreilles avec toujours ce sens de la progression qui monte... A 3mn, ça se calme, le synthé semble redevenu docile mais la batterie n'est jamais loin et peu avant 4mn sur quelques notes de guitare électrique presque cristallines, on prend soudain une autre direction, comme dans une musique de film d'espionnage (pis cette basse délicieuse quoi). A 5mn revient la mélodie telle qu'on la connaît, sinueuse, maîtrisée, trébuchante mais pourtant coulant sur son fil rouge. Il y a du jazz planqué là-dedans ce serait pas étonnant comme inspiration, Jenkinson ayant avoué à de rares moments être un gros adorateur de ce style musical.


Un album donc à la fois abordable et complexe voire difficile suivant les pistes (« Chin Hippy » en piste 5 c'est le versant un peu plus hardcore du bonhomme attention... Qui a encore fait pire, pardon plus dur par la suite !) mais si vous rentrez dedans en prenant le temps pour chaque titres, vous verrez que vous y trouverez votre bonheur avec le temps.

Nio_Lynes
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le 8 juil. 2020

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