Cantat autant attendu et que l'horizon te semble plein d'espoir
Je me souviens de cette émotion folle à l'écoute de Gagnants-perdants de Noir Désir, du retour de cette Voix qui m'a accompagné des années durant, qui m'a façonné en me berçant de ses paroles qui me hantent comme des incantations. C'était le retour d'un vieil ami avec un vrai parfum de nouveauté, une façon de dire : "C'est fini ces conneries médiatiques, on arrête de baratiner et on ressort ses tripes". Sauf que cet enthousiasme ne fut pas bien long. Je me souviens de cette fougue qui me regagna, de cet enchantement, de ce bonheur, puis plus grand chose... Ce n'était qu'un avant-goût de rien, un dernier battement de coeur avant le néant.
Teyssot-Gay et Cantat séparés, quelle tristesse ! Comment faire maintenant ? Une Voix en featuring ci et là pour une très maigre satisfaction. Je voulais que cette Voix continue à répandre SA propre parole, qu'elle rejoigne SON propre univers. Que faire sans ce jeu de guitare bien noise qui s'avère une réelle valeur ajoutée à l'ambiance, aux textes ?
Choeurs de Mouawad. "Il revient, le héros" (les Mouillages) scandé en paroles prophétiques. Un son bien particulier, une ambiance étrange qui s'unit parfaitement à la Voix. OUI. La mise en bouche se précise, le tout est un peu bordélique. C'est bon, mais oui, cette Voix ne s'exprime hélas toujours pas par elle-même...
Vendredi soir, j'eus l'intuition de me promener entre les rayons de la Fnac. Vendredi soir, il se tenait là, Horizons de Détroit, noble et fier, au beau milieu du rayon "Rock français". Je suis rarement aussi rapidement rentré chez moi. Les frissons étaient là, un peu différents de ceux qui me parcouraient lors des premières écoutes de Noir Désir. Un peu moins naïfs. L'oreille se laisse dérouter, chambouler, envoûter, séduire. L'émotion déborde. Un nouveau refuge où se laisser perdre ; les mots se frôlent, se cachent et se célèbrent. Cantat est un des rares chanteurs à savoir aussi bien jouer avec eux, à savoir aussi bien les manier et les débiter. On est suspendu à sa Voix, on s'égare dans ses silences, la gueule ouverte prête à s'abreuver de son débit vocal. La poésie est un art sonore, et Cantat en a bien conscience. L'instrumentation qui accompagne cette vérité sur le langage et sur une vie qui se questionne, tourne d'une façon tout à fait hypnotique et entêtante pour encore mieux mettre le texte en valeur. L'ambiance est intimiste, torturée, on est face à (voire même à l'intérieur de) une âme qui se confesse sans concession.
Ca sonne juste, on ne rentre jamais dans l'exagération (alors que l'expressivité est à l'honneur), la mesure est parfaite. "Horizon" est à ce sujet, certainement le morceau le plus touchant, tandis que "Le Creux de ta main" nous rappelle Noir Désir, avec son instrumentation électrique et cet entrain plein de fougue. "Ma Muse" est un régal poétique, une orgie de mots. Puis "Droit dans le soleil", ce morceau proposé en avant-première, cette valse entraînante et mélancolique, qui berce son auditeur. Et puis et puis et puis... la reprise d'"Avec le temps", juste incroyable et sincère, tout à fait bienvenue. Et d'autres encore...
C'est donc ça que j'ai tant attendu, c'est donc ça, CA ! Cet album génial, qui l'aurait été peut-être davantage avec Serge, mais qui a déjà tout d'un chef-d'oeuvre.
Bertrand revient avec une nouvelle leçon de poésie et de musique. Il aurait très bien pu faire comme tout le monde, pondre sa galette consensuelle et sourire aux fans, mais non, il revient en maître, prêt à chambouler le paysage du rock français si confortablement établi...