On s'est habitués à la présence de Suki Waterhouse au cinéma (j’avais pour ma part apprécié The Bad Batch et le consensus acariâtre autour du film n’y changera rien, fuck that), en égérie de mode et dans les tabloïds au bras de son chéri Robert Pattinson. On est donc peu surpris de la voir sortir son premier album. Ce qui surprend un peu plus, en revanche, c’est la très belle tenue des dix titres de I Can't Let Go, qui coulent avec la fraîcheur apaisante d’un ruisseau en plein été. Clairement, la signature de la demoiselle chez Sub Pop à moins à voir avec un privilège de starlette qu’avec une réelle envie de faire entendre ses envies d’écriture et de création.

Ce qui ne veut pas dire que le projet échappe à certains rapprochements. L’ombre de Lana Del Rey plane nettement au-dessus d’une chanson comme Melrose Meltdown, qui aurait totalement pu figurer sur un album de la new-yorkaise. Tout y est. Un intitulé californien, un texte professant l’amour des choses anciennes avec quelques "fuck" stratégiquement placés et des inflexions vocales qu’on jurerait sorties de Born To Die. Put Me Through It et The Devil I Know évoluent sur des terrains voisins, entre rêveries enamourées et complaintes brumeuses de fin de soirée sur la plage.

Mais ce n’est pas tout. On pense à Mazzy Star pour les guitares de Moves et My Mind, qui débraillent leurs arpèges dream pop à travers les tunnels de réverbération nécessaires pour donner toute son ampleur à l’exercice. Quand les suites d’accords de Wild Side et On Your Thumb nous emmènent dans le jardin de Lucinda Williams pour cueillir un peu d’americana, on se dit que c’est le genre de visite dont on ne lassera peut-être jamais. Quant aux nappes mélancoliques de Slip, Bullshit on the Internet et Blessed, elles font presque écho aux récentes aventures de Sharon Van Etten. Des comparaisons aussi évidentes que flatteuses, qui démontrent une compétente digestion d’influences que l’intéressée admet très volontiers lorsque les références sont portées à son attention. Toutefois, l’un des attraits essentiels du projet est bel et bien à mettre au crédit de Suki elle-même. Sa façon d’utiliser son empreinte vocale encore chancelante se marie très naturellement à ses textes, dont l’apparente naïveté révèle finalement un regard intimiste, fondamentalement humain et vulnérable, à même de contrebalancer une surexposition médiatique qui prive trop souvent les cibles à flashes de leur propre voix.

OrpheusJay
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le 20 nov. 2022

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