John Coltrane With The Red Garland Trio – Traneing In – (août 1957)
L’album est paru en cinquante-huit, mais la session originelle est de l’année précédente, au mois d’août. La pochette ci-dessus est celle de la réédition de soixante-deux plutôt mieux réussie que celle de l’original. A nouveau une séance « Prestige », avec son lot de trucs improbables, Hank Mobley racontait qu’il fallait que ça coûte peu, car le label ne roulait pas sur l’or, alors les répétitions étaient rares et le plus souvent il n’y en avait pas…
Les musiciens entraient dans le studio, choisissaient les thèmes, se mettaient d’accord sur l’ordre des solos et hop ! L’enregistrement démarrait… C’était assez expéditif, ce qui explique le nombre élevé de sessions, mais également le peu de sorties sur vinyles, on comprend également pourquoi tant d’enregistrements de cette époque sont parus lorsque Coltrane devint célèbre…
Le Red Garland Trio est formé de Paul Chambers à la contrebasse et d’Art Taylor à la batterie en soutien du pianiste, ce dernier était un ancien boxeur, poids welters, passé de la main qui frappe à celle qui court sur les claviers avec une délicatesse infinie…
Deux thèmes dérivés du blues sont signés par Coltrane, dont le très beau morceau-titre qui ouvre la première face, « Traneing In » est une belle réussite où précisément Coltrane laisse Garland introduire savamment la pièce, avant qu’il ne s’en empare et la triture à sa façon, pendant les douze minutes et trente secondes dont il use pour en extraire la quintessence.
L’autres pièce c’est « Bass Blues » qui ouvre l’autre face, encore une réussite où l’on pourra apprécier la verve de Paul Chambers que l’on entend ici à l’archet. Il faut imaginer qu’en cette période Coltrane subissait des critiques parfois étonnantes, ses détracteurs soulignaient sa rapidité qui le rendait illisible, il sortait de sa période avec Miles Davis où tout n’avait pas été très facile pour lui, son addiction aux drogues n’arrangeant rien.
La dernière pièce « Soft Lights And Sweet Music », illustre bien cet état de fait, le hard bop survitaminé de Coltrane est si rapide qu’il peut paraître alors, en cette période, difficile de le suivre dans son solo, malgré le poids du ténor autour de son cou, il semble aller au moins aussi vite que Bird avec son alto ! Une très belle pièce très accrocheuse.
Mais ces deux pièces du maître sont simplement magnifiques. Il y a également « Slow Dance », la ballade qui siège sur la première face, elle est signée Alonzo Levister et Chambers et Garland y déposent chacun un solo, en plus de celui de Trane, une impression de douce mélancolie s’échappe de ces notes, une vague tristesse qui habite la pièce et l’entoure d’un nuage mystérieux.
Il y a également « You Leave Me Breathless », que l’on pourrait peut-être traduire par « Tu m’as coupé le souffle », enfin, ça transpire le coup de foudre et le début d’une histoire d’amour qui durera peut-être, ou pas… Seconde ballade donc, signée par Friedrich Hollaender, un réfugié allemand qui quitta l’Allemagne nazi et se réfugia aux States.
Ouais, un bon Trane dans ses standards…