Another World

De tous les mythomanes de France et de Navarre, Stéphane Paut est sûrement celui que je suis le plus enclin à croire. Quand il était enfant, Neige avait des visions d'un endroit inconnu, d'une autre dimension, une sorte de paradis radicalement différent de notre réalité, lumineux, spirituel et féérique. Ce sont ces "souvenirs d'un autre monde" qu'il tente de retranscrire par la musique avec son projet principal, Alcest.

Et comment ne pas y croire ? Avec ce mélange unique de black metal (de moins en moins), de shoegaze et une touche de post-rock (de plus en plus), le moins qu'on puisse dire est qu'Alcest nous emporte loin, très loin de ce monde. Un son épais dans lequel se fondent des mélodies puissantes entonnées par une voix rêveuse, quelque part entre Slowdive, Windir et God is an Astronaut.

Après une légère baisse en intensité dans le très shoegaze Shelter, l'inspiration de l'imaginaire japonais et plus spécifiquement de Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki vient redonner un nouveau souffle au groupe. Les 木霊 (kodama), qui donnent leur titre à l'album sont les esprits de la forêt du folklore japonais représentés dans le film du studio Ghibli (mais dont l'existence est beaucoup plus ancienne). Ce qui frappe, c'est l'évidence avec laquelle Alcest vient explorer ce nouvel univers, tant il est proche de celui qu'exprimaient les précédents albums.

Musicalement Kodama se détourne de la direction que prenait le groupe sur Les Voyages de l'Âme et Shelter et réintègre des éléments black metal, riffs et screams notamment pour un son qui rappelle Écailles de Lune. Cependant il le fait avec une maturité nouvelle, ses morceaux à tiroirs prenant toujours une direction inattendue et cachant de nombreuses idées. Les mélodies d'inspiration asiatique sont intégrées de façon subtile mais donnent une couleur résolument nouvelle à la musique, tout comme Souvenirs d'un Autre Monde avait pour moi une résonance très celtique. Il y a également une nette amélioration du côté de la batterie de Winterhalter, l'autre membre du duo, dont le jeu n'avait jusqu'à présent pas grand chose d'extraordinaire mais qui livre ici des parties très intéressantes.

Au final les meilleurs morceaux restent les 3 qui ont été révélés avant la sortie de l'album, Oiseaux de Proie qui dépeint une nature vengeresse se rebellant contre l'humanité, Je suis d'ailleurs dont l'intensité me met sur le cul à chaque écoute et la chanson-titre avec ses mélodies intriquées. Cependant les autres titres (notamment Éclosion) restent excellents et surtout tout l'album s'enchaîne extrêmement bien, un beau voyage qui se fait sans interruption.

Difficile à ce stade d'en être sûr à 100% mais je crois bien qu'Alcest signe avec Kodama son album le plus abouti, et certainement l'album de l'année pour moi.

ありがとうございました !