"Nous, on comprend toujours pas, pourquoi quand ils rappent ils ont tous besoin de crier"

Isha, ça faisait un moment que j'en avais entendu parler, la première fois par un ami qui appréciait passablement son titre Frigo américain, qui clôture ici le projet. Un concept rigolo effectivement, mais qui ne me transportait pas plus que ça. J'avais quand-même décelé une manière de poser le flow intéressante, et le rappeur bruxellois est resté pendant un moment dans un coin de ma tête sans que je ne me penche sur lui. Puis j'ai entendu un peu par hasard qu'il sortait en ce début d'année son troisième projet. J'avais du temps, c'était le moment d'écouter ce qu'il avait à dire.

Et bien m'en a pris, car j'ai été agréablement surpris par cet EP, avec de vrais idées et une personnalité qui sort un peu de la masse. Rien n'est parfait cependant, et les tracks de La Vie Augmente, Vol. 1 sont assez inégales, notamment car ils poussent un délire pas dénué d'intérêt (Oh putain (Avec l'accent du sud)) mais dont l'exécution démontre encore un manque de maîtrise.

Ce que j'ai aimé chez Isha, c'est tout particulièrement son flow, assez posé, qui n'hésite pas à marquer des pauses après chaque phrase, comme pour laisser la punchline s'ancrer chez l'auditeur. Dans ce milieu du rap tellement foisonnant que malheureusement on a parfois l'impression que beaucoup rappent de la même façon (rapide et fluide pour démontrer une supposée technique), j'ai trouvé cette manière de poser le verbe rafraîchissante. D'autant plus que cela donne l'impression qu'un réel effort est fait sur l'écriture dans laquelle chaque mot n'est pas là par hasard.

Au niveau de la production, c'est pas mal, mais y a encore des progrès à faire. Les meilleures instrus sont les plus minimalistes ici, sans trop de fioritures, ce qui permet à Isha de parfaitement distiller son style de phrasé. Quand cette sobriété manque, c'est d'ailleurs là que je trouve les morceaux moins intéressants et trop fouillis (Oh putain, Soab), excepté la fin de Tony Hawk qui nous offre une envolée lyrique assez cool, mais comme il ne rappe pas dessus je sais pas si ça compte. Reste des délires de prod' assez marrants et plutôt bien maîtrisé à ce stade, notamment au niveau backlips, par ex. sur Tony Hawk.

Niveau thématiques, c'est assez classique et je ne vais pas m'étendre dessus. Je souhaiterais quand-même mentionner 3h37 qui est assez intéressante du point de vue du traitement de l'image de la femme dans le hip-hop contemporain. Plusieurs fois dans l'EP, Isha parle des femmes en utilisant des termes plutôt dégradant et communs dans le rap, et ce son ne déroge pas à la règle ("voilà ma biatch"). Mais il y parle tout de même d'une femme indépendante, intelligente, qu'il traite avec respect et attention. Comme quoi les mots qui valent régulièrement à cette musique de se faire traiter d'attardée et de misogyne (attention, je suis conscient que ça puisse être justifié pour certains artistes), ne sont parfois que de piètres traductions de la réalité.

Musiques que j'ai particulièrement appréciées:

• La vie augmente


• Tony Hawk


• Colette


• L'augmentation, pt. 1

Note réelle: 5.5